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Michel Botbol
Sans doute plus que dans toute autre discipline m�dicale, la question des mod�les de r�f�rence th�orique et pratique est cruciale en psychiatrie. On pourrait m�me aller jusqu'� dire qu'il s'agit l� d'une des principales sp�cificit�s de notre discipline, ce qui de l'ext�rieur en constitue peut �tre l'une des faiblesses les plus flagrantes( les psychiatres ne sont jamais d'accord entre eux), mais ce qui peut appara�tre aussi comme l'une de ses forces et m�me une condition n�cessaire pour lui permettre de rendre compte de l'ensemble de son champ de pertinence, "de la mol�cule au comportement ".
Cette place particuli�re para�t donc relever des sp�cificit�s du champ de la discipline et de sa proximit� avec d'autres disciplines non m�dicales; elle recouvre en tous cas le fait qu'en psychiatrie les mod�les sont multiples et h�t�rog�nes voire difficilement compatibles entre eux sauf � faire un effort particulier pour les int�grer dans des � m�ta mod�les � communs.
De ceci d�coule �galement la relativit� de ces mod�les en fonction des contextes des objectifs ou des priorit�s; elle recouvre enfin des incertitudes particuli�rement vives en ce qui concerne les m�thodes de validation de ces mod�les et plus encore celles de leur int�gration.
A ceci s'ajoute le fait que pour traiter la question des mod�les en psychiatrie, il nous faut �voquer deux s�ries de questions :
1) Les diff�rentes r�f�rences th�oriques explicites qui sont utilis�es en psychiatrie pour d�finir les approches employ�es.
2) Les th�ories qui sont implicitement mobilis�es par les pratiques psychiatriques, en de�� ou au-del� des r�f�rences qui sont ouvertement revendiqu�es.
3) Ces deux s�ries de questions sont compl�mentaires et traitent toutes deux de l'�cart th�oricopratique dans notre domaine Autrement dit, la question peut se poser � nous de la fa�on suivante : dans quelle mesure les th�ories d�terminent-elles les pratiques en psychiatrie et r�ciproquement ?
Plusieurs th�ories s'entrecroisent Dans la plupart des pratiques psychiatriques on constate g�n�ralement l'entrecroisement de plusieurs th�ories pratiques ou �tiologiques. Ces th�ories ne sont pas forc�ment incompatibles entre elles car elles s'inscrivent souvent � des niveaux diff�rents et non dans des s�ries d'oppos�s.
On est ainsi conduit � consid�rer que les mod�les ne se d�finissent pas dans l'absolu mais en fonction du niveau que l'on consid�re comme pertinent au moment de leur application.
- Le mod�le implique une nosographie qui d�finit son domaine d'application tout en �tant d�termin� par les th�ories qui sous tendent la construction nosographique en question.
- Le mod�le se construit g�n�ralement autour d'un malade ou d'une maladie paradigmatique dont l'�lection et la d�finition sont li�s au mod�le.
Les types de pratiques d�coupent le champ consid�r� en fonction des points de vue qu'elles adoptent et des priorit�s qu'elles d�terminent.
a) l'urgence : dans ce champ on parle volontiers en population et en cohorte plus qu'en individus et en sujets. La pratique de l'urgence doit rapidement d�boucher sur l'action qui d�termine une orientation. Certes il existe des situations objectives ou subjectives qui n�cessitent des actions th�rapeutiques urgentes, mais il existe �galement un risque actuel de voir ces pratiques urgentes devenir le mod�le de toutes les pratiques en sant� mentale. A ce propos, il convient de diff�rencier l'urgence et la crise cette derni�re pouvant imposer parfois des interventions imm�diates mais souvent sur d'autres mod�les que ceux de l'urgence biom�dicale qui para�t le seul � �tre actuellement valoris�.
Se pose �galement la question de savoir qu'est-ce qui d�termine les pratiques de l'urgence : r�ponse � la demande sociale ou v�ritable th�orie de la pratique r�f�r�e � un mod�le th�orique implicite ou explicite. S'opposent ainsi les mod�les qui font de la proximit� ou de la rapidit� de la r�ponse les principaux crit�res de valeur d'un dispositif d'urgence, et d'autres mod�les pour qui c'est une v�ritable th�orie de la crise, qui parait d�terminants.
b) Cette diff�rence de mod�le est �galement �vidente en ce qui concerne les traitements institutionnels dans lesquels s'opposent les traitements institutionnels mod�lis�s sur la psychoth�rapie, et ceux qui se fixent des objectifs dominants ou exclusifs de protection, de contenance ou de pr�servation, voire de p�dagogie et de r��ducation. Au-del� des diff�rentes th�ories sur lesquelles se fondent ces traitements, on peut en effet supposer un mod�le commun o� c'est l'action sur les relations avec les personnes de l'environnement du patient qui est utilis�e pour modifier ses fonctionnements intra-psychiques. On est bien l� dans un mod�le qui est celui des psychoth�rapies.
c) Dans la pratique priv�e, beaucoup de praticiens fonctionnent sur un mod�le ou se croisent :
- un mod�le nosographique
- un mod�le psychanalytique
- un mod�le " biologique " (autre terme dont la d�finition d�pend des mod�les), chimioth�rapique, plus souvent dimensionnel que cat�goriel.
d) Le mod�le du Secteur
d1 : Le secteur comme mod�le: Le secteur est certes une organisation administrative, mais c'est une organisation qui s'est b�tie sur des mod�les cliniques et th�oriques tr�s d�termin�s :
- d'une part un mod�le antiasilaire visant :
� � ouvrir la possibilit� d'une continuit� entre hospitalisation et post-hospitalisation ou cure et post cure
� � d�centrer le lieu de la rencontre en dehors de l'h�pital et avant lui
� � d�sali�ner plut�t qu'� desinstitutionnaliser
� � faire liaison dan le cadre de r�seaux avant la lettre
- d'autre part un mod�le th�orique concernant le processus th�rapeutique et la psychopathologie
Dans l'esprit de ses pionniers, le secteur s'est donc b�ti sur la rencontre d'une volont� humaniste de sortir la psychiatrie de la mis�re mat�rielle et morale de l'asile et de son mod�le totalitaire et d'une application de la th�orie psychanalytique � la psychiatrie et � la psychose, le secteur recherchant une ad�quation entre d'une part l'organisation des soins et d'autre part la relation d'objet, le fonctionnement ou le transfert psychotique ( Gauthier).
Derri�re l'�vidence sociale des dispositifs de secteur il y a donc une puissante armature th�orique qui est sans doute plus d�terminante qu'il n'est classique de le dire aujourd'hui.
d2) De la psychiatrie � la sant� mentale
T�moin de cette double r�f�rence, l'�volution du mod�le du secteur au fur et � mesure que les r�f�rences historiques ou psychanalytiques s'�loignent.
On risque alors d'aboutir � un mod�le o� l'effort de d�sali�nation passe forc�ment par la desinstitutionnalisation radicale des pratiques psychiatriques c'est � dire par la disparition des structures d'hospitalisation psychiatrique au long cours.
En s�parant la vis�e antiasilaire des consid�rations psychopathologiques qui l'accompagne dans le mod�le initial du secteur, cette relecture de la sant� mentale consid�re en somme que la maladie mentale n'est ni plus ni moins que l'effet de la psychiatrie, de la pens�e psychopathologique et des dispositifs soignants.
L'officialisation de cette nouvelle orientation, qui sch�matise � l'extr�me les conceptions de l'antipsychiatrie d'autrefois, conduit un grand nombre de psychiatre � considerer que le terme de sant� mentale est devenu un habillage commode pour justifier l'instrumentation de la psychiatrie comme outil de r�gulation d'une souffrance psychique qui, d�niant toute r�f�rence � une psychopathologie sp�cifique, est con�ue uniquement comme une r�action traumatique � la crise sociale ( N Garret).
d3) L'H�pital
A l'autre extr�mit� du spectre, la psychiatrie de secteur se heurte �galement � une autre but�e, celle de l'hospitalocentrisme et de son mod�le de r�f�rence ( Garnier).
L'h�pital ( g�n�ral ou psychiatrique) reste souvent au centre des pratiques psychiatriques : en effet l'hospitalisation constitue la question centrale qui se pose en situation d'urgence; c'est �galement la seule r�f�rence l�gale pour les soins sous contraintes; la psychiatrie lui reste d'ailleurs identifi� dans les repr�sentations des usagers et du public; c'est enfin encore et toujours le si�ge des administrations gestionnaire du secteur, l'h�pital g�rant ses propres alternatives.
D'une fa�on plus insidieuse, cette centralit� s'exprime d'ailleurs par le contre mod�le que repr�sente encore l'hospitalisation pour un grand nombre de praticiens du secteur, le bon extra s'opposant au mauvais asile
Trois remarques en ce qui concerne cette relativit� des mod�les par rapport aux pratiques th�rapeutiques.
1 - S'il est clair que les mod�les sont d�termin�s par les pratiques, il est �galement �vident qu'elles influent �galement sur elles.
Les diff�rences entre psychiatrie publique et priv�e ou celles entre psychiatrie et psychanalyse illustrent tout particuli�rement ce point:
Le dispositif de psychiatrie publique est tr�s largement d�termin� par la question de la demande sociale dont les lois d'hospitalisation sous contrainte et la question de la dangerosit� constituent l'un des paradigmes ( Lewkowitz).
De son c�t�, la psychiatrie priv�e a toujours � faire avec une demande explicite, mais il ne s'agit pas pour autant toujours d'une demande d'interpr�tation ou d'une demande qu'il faut interpr�ter. A certains moments, et pour certains patients, c'est l'�tayage qui va �tre essentiel, et un �tayage qui ne passe pas par l'interpr�tation du transfert mais par une mise en forme suppl�tive. Ceci est particuli�rement le cas dans des situations d'effraction ou celles qui font appel � "un espace psychique �largi"(Jeammet) comme dans les situations de crise ou de d�veloppement intense( nourrisson, adolescents).
2 - Cette relativit� pose �galement la question du rapport entre mod�le et pratique, rapport qui oscille entre deux risques: celui d'une trop grande dissociation entre mod�le th�orique et pratique celle ou celui d'un exc�s de coh�rence th�oricopratique. De fa�on sch�matique s'opposent ici deux conceptions. L'une qui consid�re qu'il est essentiel que la pratique soit aussi proche que possible du mod�le th�orique, l'autre qui valorise au contraire les �carts qui se cr�ent entre les deux, les consid�rant comme des signes de la cr�ativit� de l'approche. Tous les mod�les ne sont pas �quivalents de ce point de vue, certains supposant plus que d'autres la mise en travail de cet �cart.
3 - Dans tous les cas il appara�t que le mod�le th�rapeutique est volontiers tautologique puisqu'il justifie, � priori, la th�orie sur laquelle il se fonde. Par ailleurs, ce qui caract�rise beaucoup de psychiatres c'est qu'ils croient faire une chose et qu'ils font (aussi ?) autre chose. On peut �galement consid�rer que les praticiens cliniciens balayent un certain nombre de mod�les devant chaque cas et ceci de fa�on plus ou moins inconsciente. Si l'on formalisait ce mouvement, on retrouverait le balayage des diff�rents facteurs de risque ou diff�rentes hypoth�ses �tiologiques (Thurin). Ceci pourrait conduire � penser que l'action du clinicien est en fait tr�s construite contrairement � ce que l'on pouvait penser. Dans ces conditions on pourrait consid�rer que l'efficience accrue des pratiques tient surtout � l'utilisation accrue de mod�les toujours plus pertinents.
- Importance donn�e � l'�conomique,
- Importance des objectifs de sant� publique,
- Importance des valeurs �thiques et humanistes,
- Contexte d�cisionnaire dans lequel se situe la r�flexion sur le mod�le ou les r�sultats attendus de son application. S'opposent ici les d�bats th�oriques sans cons�quence directe et ceux dont l'effet est imm�diatement celui de choix politiques et �conomiques potentiellement contraignants et limitants pour les professionnels(comme c'est le cas dans les r�f�rences m�dicales opposables par exemple).
- La s�paration entre psychiatrie et neurologie a-t-elle pouss� la psychiatrie vers l'herm�neutique ?
- Quelle influence exerce le mod�le des neurosciences sur les consid�rations psychiatriques g�n�rales et la logique biom�dicale ?
- Quels sont les m�canismes rh�toriques dominants qui participent � la fabrication des mod�les (� cet �gard, r�le notamment de l'expansion m�taphorique du mot) (Tremine) ?
- Le mod�le ne risque-t-il pas de devenir alors une construction tr�s id�aliste qui n'aurait plus que peu de rapport avec le r�el ( Thurin)?
- Le neurologique est-il une meilleure garantie de la prise en compte de ce r�el ? Ne rel�verait-il pas lui aussi d'un id�alisme herm�neutique cach� derri�re le vaste projet d'unifier les savoirs " de la mol�cule au comportement " ?
- Poser les questions comme cela ne rel�ve-t-il pas �galement du mod�le neuro-scientifique actuellement dominant, la r�f�rence au r�el ne servant ici que d'alibi formel pour poursuivre dans la voie de l'id�alisme que l'on pr�tend d�noncer ?
- A l'autre bout du spectre se d�veloppe �galement un mod�le sociog�n�tique qui consid�re que la tache prioritaire de la psychiatrie serait de rendre la soci�t� suffisamment bonne pour �viter l'expression des vuln�rabilit�s. Ce mod�le faible mais totalitaire est notamment celui qui sous tend le nouveau paradigme de sant� mentale tel que nous l'avons �voqu� pr�c�demment. Dans cette optique la psychiatrie n'aurait plus besoin de r�f�rence � la psychopathologie ce qui revient � d�nier l'une des composantes essentielles de la clinique.
Ces consid�rations montrent en tout cas :
- la complexit� de la d�finition de ce qu'est un mod�le et de la n�cessit� probable de le distinguer de la notion de th�orie.
- le risque auquel notre discipline est confront�e tant du fait des mod�les forts qui, comme la neurologie, imposent leur d�finition du r�el que du fait des mod�les faible qui sont les plus volontiers repris socialement et peuvent ainsi devenir tout aussi totalitaires (Louys)
Il reste que le mod�le appara�t toujours comme une construction, ce qui ne doit pas, pour autant, laisser penser que tous les mod�les se valent dans un relativisme absolu.
Se pose ici la question de la validit� des mod�les, ce qui doit nous conduire � nous interroger sur le rapport des mod�les � la preuve et le type de preuves requises.
A cet �gard, on se trouve devant deux logiques m�thodologiques oppos�es :
- une logique uniciste qui suppose que les m�mes m�thodologies sont applicables
� tous les mod�les "de la mol�cule au divan", chacun de ces objets �tant susceptible d'�tre abord� dans le cadre d'une d�marche scientifique unifi�e autour d'un r�ductionnisme unique.
- une logique dualiste, qui estime au contraire que la d�marche scientifique classique aboutit � ignorer ce qui, dans le rapport cerveau-esprit, rel�ve notamment de la subjectivit�.
La premi�re logique courre le risque d'ignorer des champs entiers de la psychopathologie au nom de la priorit� donn�e � la transmissibilit� de la preuve et de son objectivation. Elle se base au fond sur deux id�es : a) que la subjectivit� ne peut pas �tre un obstacle car si elle l'�tait, cela serait trop d�sesp�rant pour la recherche en psychiatrie. b) que la psychiatrie n'aurait rien a gagner � se distinguer du reste de la m�decine, du point de vue des crit�res de recherche tout du moins.
La seconde logique courre le risque d'augmenter l'insularit� de notre discipline ou celle de pans entiers de son champ puisque les m�thodes utilis�es pour la recherche sur ses objets les plus subjectifs para�t tr�s en �cart de celles exig�es par la science biom�dicale classique qui les ram�nent au statut d'heuristique litt�raire ou philosophique. Ceci peut avoir le r�sultat paradoxal de sur valoriser les approches biologiques ou �pid�miologiques qui, dans cette perspective sont les seules capables de r�pondre aux canons m�thodologiques de la science du moment.
A ce propos trois remarques :
a) Plus encore que par ses choix concernant l'une ou l'autre de ces positions, la psychiatrie fran�aise se caract�rise par la place importante que garde ce d�bat m�thodologique au sein de la discipline et ceci tant chez les praticiens que chez les chercheurs.
b) Cette particularit� peut �tre con�ue comme une chance ou comme une faiblesse pour notre psychiatrie :
- Cela relativise la valeur donn�e aux recherches standardis�es en accentuant leur clivage avec ce qui constitue l'essentiel des pratiques et des r�flexions de la plus grande partie des professionnels de la psychiatrie en France.
- D'autre part la psychiatrie fran�aise est internationalement reconnue comme conservatoire de questions et de pratiques qui sont les principales justifications d'une sp�cificit� psychiatrique. Plut�t que d'�voluer comme une grande partie de la psychiatrie anglo-saxonne et les autres sp�cialit�s m�dicales vers la s�lection d'objets et de questions "posables" car m�thodologiquement correctes, la psychiatrie fran�aise a permis de laisser ouverte des questions qui sont peut-�tre les conditions du maintien de la prise en compte de la dimension relationnelle et subjective. L'int�r�t nouveau que la communaut� psychiatrique internationale porte � notre mod�le para�t, en tous cas, d�montrer l'int�r�t de cette exception fran�aise.
c) Les deux positions �voqu�es ne s'opposent pas forc�ment en ce qui concernent les principes du r�ductionnisme m�thodologique qu'elles reconnaissent l'une et l'autre comme m�thode de validation ; leur diff�rence tient au fait que la position uniciste impose un r�ductionnisme univoque l� o� l'autre approche valorise la diversit� des r�ductionnismes (J Louys).
Cause et/ou cons�quence de la place du d�bat th�orique id�ologique dans notre discipline la psychiatrie fait explicitement appel � des r�f�rences th�oriques tr�s h�t�rog�nes.
Face � cette h�t�rog�n�it�, il est possible d'adopter deux positions qui paraissent oppos�s mais peuvent �tre compl�mentaires. L'une consiste � mettre l'accent sur les diff�rences entre ces approches, l'autre essaye au contraire de montrer les filiations plus ou moins manifestes, les zones de recouvrement ou de compl�mentarit�.
Ces deux mouvements sont sans doute �galement n�cessaires pour tenter d'aboutir � un mod�le int�gratif suffisamment souple et complexe pour rendre compte des particularit�s de notre champ sans l'amputer de parties qui lui sont essentielles.
Il convient donc de faire l'inventaire des mod�les th�oriques explicitement �voqu�s dans le champ psychiatrique avant de tenter de pr�senter diff�rents mod�les d'int�gration de ces diff�rentes d�marches et ceci pour appr�hender ce qui fait l'unit� et la sp�cificit� de la psychiatrie.
Ils r�pondent � trois mod�les :
- Organiciste (biom�dical)
- Psychanalytique
- Socioenvironnemental
- �thologique
1. Quatre r�f�rences th�oriques sont ici rep�rables :
- Mod�le nosographique : cat�goriel ou dimensionnel, il est particuli�rement compatible avec le mod�le de recherche biom�dical organiciste; il implique une action th�rapeutique construite sur la logique diagnostic-traitement ; il n'est pas absent en psychiatrie mais ne repr�sente qu'une partie des pratiques existante y compris dans les domaines les plus m�dicalis�s de la sp�cialit�; il para�t en tous cas dominant dans les d�veloppements les plus r�centes d'une volont� de faire science, notamment ceux relevant des approches cognitives o� la crit�riologie est plus volontiers dimensionnelle
- Mod�le ph�nom�nologique : o� entre �galement en compte le v�cu du patient, c'est � dire l'interaction entre le sujet et son environnement tel que le sujet l'exp�rimente en lui-m�me.
- Mod�le psychanalytique : qui, partageant avec le mod�le pr�c�dent l'int�r�t port� � l'int�riorit� y ajoute des �l�ments majeurs comme la notion de division subjective, de conflictualit� interne ou d'appareil psychique ( V Souffir)
- Mod�le syst�mique : o� l'accent est port� sur les interactions de communication entre les sujets de la relation.( J Ferrandi)
2. Trois types d'approche :
- Approche objectivante ou quantitative: elle est particuli�rement compatible avec le r�f�rentiel nosographique puisqu'il s'agit de classer un trouble en fonction de crit�res pr�d�termin�s ; elle est cependant utilisable avec d'autres r�f�rentiels.
- Approche perceptive: qui est particuli�rement mobilis�e dans les approches ph�nom�nologiques
- Approche compr�hensive : ou il s'agit surtout de donner sens aux sympt�mes ou � l'exp�rience v�cue en fonction des r�f�rences th�oriques adopt�es ; elle est particuli�rement mobilis�e dans les mod�les syst�miques ou psychanalytiques.
3. Deux types de transmission des donn�es cliniques :
- Transmission "crit�riologique": particuli�rement adapt�e aux approches objectivantes mais utilisables �galement par d'autres approches
- Transmission "narrative" : souvent le seul recours pour transmettre ce qui rel�ve du subjectif
4. Trois mod�les th�rapeutiques :
- Traitement par suppression : la disparition du sympt�me est la principale vis�e du traitement ; ce mod�le est particuli�rement compatible avec la r�f�rence biom�dicale et le mod�le nosographique et avec les pratiques cognitivo comportementales
- Traitement par substitution: o� il s'agit de remplacer un fonctionnement par un autre; il est compatible avec les diff�rents r�f�rentiels et mod�les propos�s
- Traitement par suppl�ance: o� le traitement s'appuie, transitoirement ou non, sur la fonction suppl�tive des dispositifs soignants avec l'id�e de permettre au patient de r�cup�rer secondairement les fonctions psychiques auxquelles il est ainsi suppl�� par les th�rapeutes ou les �quipes soignantes ; il est compatible avec toutes les r�f�rences ou mod�les; il peut en effet rendre compte de pratiques qui vont de la psychoth�rapie institutionnelle � la r�habilitation psychosociale en passant par les psychoth�rapies d'�tayage qui constituent une bonne part de la "psychoth�rapie des psychiatres"(Kipman).
Dans la psychiatrie fran�aise, la volont� de prendre en compte la multiplicit� des points de vue et des mod�les a pris le pas sur les tendances � l'h�g�monie d'une th�orie sur toutes les autres ; malgr� la forte pression du mod�le biom�dical devenu �conomiquement dominant, malgr� les contraintes �valuatives qui imposent de privil�gier le d�nombrable sur toute autre consid�ration, la psychiatrie fran�aise se caract�rise, nous l'avons dit, par la place qu'y garde le d�bat th�orique et la possibilit� m�me de penser certains ph�nom�nes subjectifs devenus n�gligeables pour une bonne partie de la psychiatrie internationale.
Ainsi coexiste en France, en fonction des logiques m�thodologiques adopt�es, plusieurs grands m�ta mod�les d'int�gration des donn�es issues de points de vue h�t�rog�nes.
A la logique dualiste correspond un meta mod�le compl�mentariste ( Devereux) o� les diff�rentes approches doivent �tre obligatoirement consid�r�es mais non simultan�ment.
A la logique uniciste correspond un m�ta mod�le unificateur qui suppose l'organisation des savoirs autour d'une th�orie unifiante du rapport corps-esprit
Si l'un et l'autre de ces m�ta mod�les est en th�orie susceptible de rendre compte de la complexit� du champ psychiatrique, il est clair que seul le second dispose actuellement d'une reconnaissance acad�mique en m�decine ce qui est sans doute d�terminant dans le fait qu'il est en passe de devenir dominant dans les services universitaires. Ceci n'est bien sur pas neutre pour le proche avenir de la sp�cialit� et de ses pratiques.
Suivant l'un ou l'autre de ces m�ta mod�les diff�rentes constructions int�gratives ont en tous cas �t�s propos�s ; elles peuvent �tre regroup�es en trois grandes formules :
a) l'objet commun : terme propos� par Widlocher pour �voquer ceux de ces objets de recherche qui sont susceptibles d'�tre commun � des dynamiques de recherches r�f�r�es � des th�ories a priori h�t�rog�nes ; cette formule est particuli�rement applicable dans le rapport entre approche cognitif et psychanalyse
b) le mod�le de la vuln�rabilit� : o� la vuln�rabilit� peut conduire � la pathologie comme forme d'adaptation puis a la stabilisation sous forme de la chronicisation, des �v�nements, biologiques ou non, intervenant pour passer d'un stade � un autre ; d�velopp� r�cemment en r�f�rence � la biologie et plus particuli�rement � la g�n�tique ce mod�le est connu depuis longtemps en psychopathologie, ce m�me mod�le permettant de parler de vuln�rabilit� psychopathologique en prenant en compte �galement les�v�nements psychiques et environnementaux.
c) Le mod�le de la crise : qui insiste particuli�rement sur les modalit�s de passage entre un �tat et un autre sur le mod�le �v�nement-crise-d�fense.
Notons que chacune de ces formules reste compatible avec la possibilit� de consid�rer le sens individuel que peuvent prendre ces diff�rentes s�quences pour le sujet qui les vit, ceci tenant compte de son histoire personnelle et de ses probl�matiques individuelles. Chacune de ces formules est donc �galement compatible avec la contrainte de complexit� li�e au fait psychique dont Zarifian nous dit qu'elle ne peut �tre prise en compte que si l'on le consid�re selon les trois niveaux qu'il engage: la machine, le fonctionnement ou la performance, et le sens individuel.
1) La FFP consid�re qu'il est essentiel de valoriser la
diversit� des mod�les de r�f�rence en psychiatrie (pour la recherche
comme pour la pratique). Elle consid�re que cette diversit� est une des
forces sp�cifiques de la psychiatrie fran�aise, en France et dans le monde.
2) La FFP consid�re que, dans le respect de cette diversit�, il est
�galement n�cessaire de d�velopper des recherches standardis�es en
psychiatrie.
3) Afin de permettre la prise en compte des deux conditions ci dessus, la
FFP consid�re qu'il est n�cessaire de mettre en place les moyens d'une juste
valorisation acad�miques des recherches et publications qui, sans r�pondre
aux canons de la science biom�dicale classique, n'en repr�sente pas moins
des apports fondamentaux pour la compr�hension et le traitement des troubles
mentaux. La FFP estime qu'en l'absence d'�volution sur ce point,
la psychiatrie est condamn�e � n�gliger l'une ou l'autre des 2 premi�res
conditions �nonc�es ci dessus avec l'effet in�vitable de r�duire l'importance ou l'
influence pratique des recherches en psychiatrie.
4) La FFP consid�re qu'il est donc n�cessaire de mettre en place des
m�thodes d'�valuation susceptibles de valider les travaux qui sans r�pondre
aux m�thodes biom�dicales classiques n'en constituent pas moins des apports
essentiels dans notre discipline.
Elle estime que cette d�marche est un pr�alable indispensable si l'on a le double souci d'�viter :
- de r�server la validation aux approches statistiques et/ ou biom�dicaux qui ne sont qu'un des points de vue utiles � la psychiatrie pratique et /ou � la recherche en psychiatrie
- ou de s'en tenir au refus syst�matique de toute recherche standardis�e au nom de l'incompatibilit� qu'on leur supposerait avec la prise en compte de la dimension subjective dont la prise en compte est essentielle en psychiatrie.
Rapport r�dig� par M Botbol. Il s'appuie sur les travaux et la discussion g�n�rale du groupe de travail compos� �galement de : J Ferrandi, B Garnier, N Garret, S Gauthier, G Lewkowicz, SD Kipman, J Louys, V Souffir, T Tremine, JM Thurin.
Dernière mise à jour : jeudi 22 avril 2004
Dr Jean-Michel Thurin
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