Conséquences des maltraitances sexuelles. Les reconnaître, les soigner, les prévenir

Conférence de consensus qui s'est tenue à Paris les 6 et 7 novembre 2003 organisée par

Fédération Française de Psychiatrie
selon la méthodologie de l’ANAES
avec le soutien de la Direction Générale de la Santé

Sociétés Partenaires : Sociétés Francophone de Médecine d'Urgence, INAVEM, Société Française de Pédiatrie, Collège National des Généralistes Enseignants


Vers qui et comment orienter la victime d'une maltraitance sexuelle, quelles sont les principales modalités du parcours judiciaire ?

Serge PORTELLI

- Autonomie et aide de la victime

Si la disparité des populations victimes de maltraitances sexuelles et la spécificité de leurs réactions nécessitent des réponses et des aménagements institutionnels particuliers, priorité doit être donnée à la manifestation de la volonté de la victime: c'est à elle de décider, munie de toutes les informations nécessaires, quelle suite elle entend réserver aux faits. Certes, les maltraitances sexuelles ne sont pas une affaire privée: une fois informées, les autorités judiciaires n'ont pas besoin de l'accord de la victime pour engager des poursuites. Le retrait de sa plainte est d'ailleurs sans conséquence sur la légalité du procès. Dans la pratique, il est difficile que la justice suive son cours si la victime ne souhaite pas s'associer à l'action judiciaire. Son choix doit donc être, dans la mesure du possible, respecté, à condition toutefois qu'elle ait été sérieusement conseillée et informée de ses droits.

En matière de maltraitance sexuelle, les pouvoirs publics doivent tenir compte de deux facteurs particuliers.

a) Les victimes, quels que soient leur âge ou leur condition, sont très réticentes à porter plainte et doivent être soutenues dans leur démarche. Il est possible de donner à certains professionnels un droit d'alerte des autorités avec du moins l'accord des victimes.

b) Certaines victimes sont particulièrement déficientes ou affaiblies et il convient de suppléer leur volonté. Il en est ainsi des mineurs et des adultes présentant une déficience qui les empêcherait de défendre leurs droits en pleine connaissance de cause. La loi doit donc prévoir pour certaines catégories de population une procédure d'alerte particulière.

- Orientation d'urgence médico-judiciaire

La préoccupation de l'enquête ne doit pas faire oublier les nécessités médicales. Une victime de maltraitance sexuelle est d'abord un être en souffrance. Le premier acte utile reste d'assurer les soins nécessaires puis d'opérer des constatations cliniques. Dans de nombreux cas, les faits sont trop anciens pour justifier un examen d'ordre médical et la question de la prescription doit même être posée en priorité. Dans beaucoup d'autres cas encore, la maltraitance ne laisse aucune trace physique. Mais dès lors que l'acte à caractère sexuel a été commis récemment, il est nécessaire d'orienter la victime vers une unité de soins adaptée.

Pourront ainsi être effectués dans des conditions de fiabilité maximales les prélèvements nécessaires soit sur la personne soit sur ses vêtements, pour permettre ultérieurement une identification génétique de l'agresseur. Bien d'autres constatations cliniques peuvent être opérées à cette occasion, notamment si la victime a résisté ou a été frappée. Les soins immédiats et la prise en charge notamment psychologique de la victime peuvent intervenir aussitôt.

L'efficacité de l'enquête judiciaire est en grande partie conditionnée par la qualité de ce travail opéré le plus souvent dans des unités de consultations médico-judiciaires. Elles fonctionnent ordinairement sur la seule réquisition des enquêteurs, ce qui suppose que la victime a préalablement déposé plainte.

- Préalable juridique: la prescription

Le retard apporté au dépôt de la plainte est un phénomène classique en matière de maltraitance sexuelle. De multiples facteurs expliquent ce délai. Il pose en tous cas la question de la prescription. La loi actuelle

Les délais de prescription sont fixés par le code de procédure pénale, dans ses articles 7 et 8. Aujourd'hui, en matière de crime, le délai est de 10 ans (article 7) et en matière de délit de 3 ans (article 8). Ces délais s'appliquent à toutes les infractions commises au préjudice d'adultes.

S'agissant de victimes mineures, qu'il s'agisse de violences sexuelles ou de toute autre crime, le délai de prescription de 10 ans ne commence à courir qu'à partir de la majorité.(article 7 al. 3 du code de procédure pénale), et s'achève donc à 28 ans.

L'article 8 du même code a prévu une solution de même nature pour les mineurs victimes d'un certain nombre de délits. Le délai de 3 ans court à compter de 18 ans et s'achève donc à 21 ans. Les délits visés sont les suivants :

- violences (articles 222-9, 222-11 à 222-15 du code pénal),

- agressions sexuelles autres que le viol (articles 222-27 à 222-30),

- traîte des êtres humains (225-4-2),

- proxénétisme (article 225-7),

- conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité de la personne (225-15)

- aide à la corruption d'un mineur (article 227-22)

- atteinte sexuelle sur la personne d'un mineur (articles 227-25 à 227-27).

Il s'agit donc, pour la plupart de ces infractions, de délits réprimant des actes de maltraitance sexuelle.

Ces règles ont été introduites en plusieurs étapes par deux lois des 10 juillet 1989 et du 4 février 1995 qui avaient limité l'allongement de la prescription aux seuls crimes et délits commis contre des mineurs par leurs ascendants ou par des personnes ayant autorité sur eux. La loi du 17 juin 1998 a supprimé cette restriction et a prévu l'allongement de la prescription quelle que soit la personne auteur de l'infraction.

Il convient de noter que deux des infractions citées sont de création récente: le délit de traîte des êtres humains (225-4-2) résulte de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 et celui réprimant les conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité de la personne (225-15) résulte de l'ordonnance nº 2000-916 du 19 septembre 2000 et de la loi nº 2003-239 du 18 mars 2003.

Ces lois successives n'ont pas eu pour effet de permettre des poursuites dès lors que la prescription était déjà acquise au moment de la promulgation de la loi: elles n'étaient pas rétroactives (Crim. 3 novembre 1994, Bull. crim. n° 349, R.S.C. 1995, p367, obs. DINTILHAC; 28 février 1995, Bull. crim. n° 87, Dalloz 1996, 238, note CASTAIGNEDE; Crim. 15 juin 1995, Bull. crim. n° 637; Crim. 27 mars 1997, Bull. crim. n° 122). La réforme en cours de discussion au Parlement.

Une réforme est en cours de discussion devant le Parlement à l'occasion de l'examen du projet de loi sur l'évolution de la criminalité. Il est proposé de porter le délai de prescription criminelle et délictuelle respectivement à 30 et 20 ans après la majorité pour un certain nombre d'infractions visées à l'article 706-47 du code de procédure pénale: tentative de meurtre ou d'assassinat précédé ou accompagné de viol, tortures ou actes de barbarie, viol, agression sexuelle, exhibition sexuelle, corruption de mineur, fabrication ou utilisation de l'image pornographique d'un mineur, atteinte sexuelle. L'auteur de cette proposition, le député Leonard, s'exprimait ainsi devant l'Assemblée: " Chaque année, des centaines d'enfants sont victimes de crimes sexuels. La peur, la culpabilité de n'avoir pas su résister à leurs agresseurs ou l'affection qu'ils leur portent parfois, les empêchent de dénoncer les violences dont ils ont été victimes dans les délais de prescription actuels, fixés à dix ans à compter de leur majorité. Or, c'est souvent quelques années après l'expiration de cette prescription, lorsque l'enfant devenu adulte cherche à construire une vie affective, que la dénonciation des faits est, pour eux, vitale. L'ensemble des psychologues s'accorde à reconnaître que l'arrivée du premier enfant, qui survient aujourd'hui en moyenne pour les femmes aux alentours de trente ans, est un moment charnière qui fait émerger des événements de l'enfance que l'on a souhaité oublier. La reconnaissance publique des souffrances endurées, qui passe par la condamnation pénale de l'auteur des faits, est un élément essentiel de la reconstruction de ces adultes dont on a volé l'enfance".

Si cette réforme est adoptée, la prescription pour les crimes sexuels sur mineurs ne serait acquise qu'à l'âge de 48 ans et pour les délits à celui de 38.

- Orientation de la victime

Le dépôt d'une plainte apparaît la suite inéluctable d'une maltraitance sexuelle. L'orientation de la victime pourrait donc simplement consister à diriger la victime vers le service le plus adapté à recevoir sa plainte. La gravité de certains faits ne semble pas permettre d'autre alternative et le passage par l'appareil judiciaire est apparemment le seul qui permette à la victime d'exprimer publiquement sa souffrance, de faire reconnaître son droit et d'obtenir de la puissance publique qu'elle sanctionne le coupable. Le dépôt de la plainte: comment les victimes peuvent-elles déposer directement une plainte?

Le plaignant peut se présenter directement dans un service de police judiciaire ou de gendarmerie. Assez naturellement la victime le choisira en raison de son domicile ou du lieu de commission des faits. Elle n'a pas à se préoccuper des règles de compétence posées par le code de procédure pénale car tout service de police judiciaire où elle se présentera sera tenu de recueillir sa plainte: "la police judiciaire, prévoit en effet l'article 15-3 du code de procédure pénale créé par la loi du 15 juin 2000, est tenue de recevoir les plaintes déposées par les victimes d'infraction à la loi pénale et de les transmettre, le cas échéant, au service ou à l'unité de police judiciaire territorialement compétente". La victime devra veiller à ce que sa plainte soit réellement recueillie par procès-verbal et non sous forme de "maincourante", procédure simplifiée que les services de police peuvent parfois choisir pour des affaires qu'ils jugent de peu d'importance mais qui, normalement ne doit pas être utilisée en matière de maltraitance sexuelle.

Lors du dépôt de la plainte, la victime doit être informée de ses droits. L'article 53-1 prévoit en effet que "Les officiers et les agents de police judiciaire informent par tout moyen les victimes de leur droit :

1° D'obtenir réparation du préjudice subi,
2° De se constituer partie civile si l'action publique est mise en mouvement par le parquet ou en citant directement l'auteur des faits devant la juridiction compétente ou en portant plainte devant le juge d'instruction,

3° D'être, si elles souhaitent se constituer partie civile, assistées d'un avocat qu'elles pourront choisir ou qui, à leur demande, sera désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats près la juridiction compétente, les frais étant à la charge des victimes sauf si elles remplissent les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle ou si elles bénéficient d'une assurance de protection juridique,

4° D'être aidées par un service relevant d'une ou de plusieurs collectivités publiques ou par une association conventionnée d'aide aux victimes,

5° De saisir, le cas échéant, la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, lorsqu'il s'agit d'une infraction mentionnée aux articles 706-3 et 706-14".

Le plaignant peut choisir de s'adresser plutôt directement au procureur de la République ou au juge d'instruction. Il est rarissime qu'un procureur de la République ou l'un de ses substituts reçoive directement la plainte et procède à l'audition du plaignant. Le plus souvent, à réception d'un courrier de plainte, le procureur de la République, demandera à un service de police ou de gendarmerie d'enquêter sur les faits dénoncés et d'entendre notamment le plaignant.

Il existe une dernière voie qui peut être utilisée par la plaignant pour avertir les autorités judiciaires: la constitution de partie civile. Cette procédure présente de multiples avantages car elle donne à la victime un véritable statut qui lui confère de multiples droits de contrôle sur l'enquête. Elle peut théoriquement être mise en oeuvre directement devant le tribunal correctionnel par la voie de la citation directe, mais elle suppose alors que la victime dispose de toutes les preuves nécessaires pour que le tribunal puisse trancher immédiatement, or en matière de maltraitance sexuelle une enquête est toujours nécessaire. Ce sera donc plutôt le juge d'instruction qui sera saisi d'une plainte avec constitution de partie civile. La victime peut prendre l'initiative de cette procédure. Sous réserve du versement d'une consignation, la justice est alors obligé d'enquêter et d'instruire la plainte. Le plus souvent, le procureur de la République aura pris l'initiative d'ouvrir une information et la victime se contentera de se constituer partie civile auprès du juge d'instruction déjà en charge du dossier sans avoir alors à verser de consignation.

La partie civile est une "partie" au procès, au même titre que le mis en examen ou le prévenu ou le procureur de la République. A ce titre elle doit être informée régulièrement du déroulement de l'instruction. Elle peut être assistée d'un avocat qui aura accès au dossier et sera présent à ses côtés lors des auditions et confrontations; à l'audience, non seulement il prendra la parole en son nom et plaidera pour elle. La victime partie civile a également un rôle très actif pendant l'information menée par le juge d'instruction: elle peut demander que le juge ordonne toute mesure (expertise, auditions, vérifications...) lui paraissant utile. Elle a surtout un droit de contrôle étendu qui lui permet de faire appel de la plupart des décisions du juge d'instruction (en dehors de celles qui concernent la détention) et notamment de contester une éventuelle ordonnance de non-lieu. Lors de l'audience la victime partie civile pourra enfin faire entendre sa voix au moment des plaidoirie et demander, s'il y a lieu, des dommages et intérêts. La problématique de l'orientation de la victime

Une victime de maltraitance sexuelle a donc des choix à faire, choix pour lesquels elle peut être utilement orientée. Choix entre le statut de partie civile ou de simple plaignant: dans le premier cas elle jouira de nombreux droits lui permettant d'orienter et de contrôler le cours de la procédure et d'obtenir réparation; dans le second cas, elle sera simple témoin sans aucune prise sur le déroulement de l'enquête et sa clôture. Mais le premier choix sera de déposer plainte ou non. C'est à ce stade qu'une information complète et loyale doit lui être délivrée, soit par un professionnel de justice, l'avocat, soit par un service public ou privé d'aide aux victimes. Cette information doit alors porter sur l'intérêt de la plainte mais aussi sur ses inconvénients, non dans l'esprit de faire renoncer à la plainte mais d'avertir la victime de ce qui l'attend.

La victime pense assez naturellement que la justice ne peut que lui donner raison et que la culpabilité de l'auteur sera reconnue rapidement et facilement. Or la justice est lente: la durée moyenne d'une information judiciaire est de 17 mois. De plus la discussion des preuves est contradictoire: la parole du plaignant n'a pas, par elle-même, pas plus de poids que celle de la personne soupçonnée. Dès lors le discours de la victime va être examiné, analysé, discuté et souvent contesté. Elle va être entendue plusieurs fois, parfois longuement, questionnée, expertisée et confrontée avec la personne accusée. Beaucoup d'affaires de maltraitance sexuelles se terminent par des classement sans suite (décision prise par le procureur de la République) ou par des non-lieux (décisions prises par le juge d'instruction) qui laissent la victimes accablées. Enfin, malgré des efforts notables de formation des policiers, des magistrats et des experts, la façon dont sont traités les victimes peuvent parfois laisser à désirer. Il s'ensuit ce qu'on dénomme une "victimisation secondaire", qui, au sortir de l'appareil judiciaire, laisse la victime encore plus démunie qu'au départ. Ce sont ces données qui doivent être fournies loyalement à la victime au moment de son choix.

- Le cas des mineurs et des personnes vulnérables

Certaines catégories de population sont davantage exposées aux maltraitances sexuelles et sont de plus particulièrement démunies face à l'appareil judiciaire ou policier. Il en est ainsi de mineurs qui sont des victimes privilégiées des abus sexuels, notamment au sein de la famille, et des personnes particulièrement vulnérables. La plainte du mineur et l'administrateur ad hoc

Quel que soit son âge, un mineur (de moins ou de plus de quinze ans) pourra toujours déposer plainte: se présenter dans un commissariat ou une gendarmerie ou écrire au procureur de la République, mais il ne pourra pas se constituer partie civile. Ce droit n'appartient qu'à ses représentants légaux: ses pères et mères exerçant l'autorité parentale. La loi a toutefois créé en 1989 une institution originale, l'administrateur ad hoc, permettant de pallier cet inconvénientL'administrateur ad hoc a été créé dans un article 87-1 du code civil par la loi du 10 juillet 1989, à l'issue du vote d'un amendement parlementaire. Cette origine explique quelques imperfections qui s'étaient révélées dans la pratique. La loi du 17 juin 1998 a transféré dans un titre spécial du code de procédure pénale concernant notamment "la protection des mineurs victimes" les dispositions de l'ancien article 87-1, devenu

L'article 706-50 du code de procédure pénale(inséré dans un chapitre spécial concernant "la protection des mineurs victimes") dispose désormais que "le procureur de la République ou le juge d'instruction saisi de faits commis volontairement à l'encontre d'un mineur désigne un administrateur ad hoc lorsque la protection des intérêts de celui-ci n'est pas complètement assurée par ses représentants légaux ou par l'un d'entre eux. L'administrateur ad hoc assure la protection des intérêts du mineur et exerce, s'il y a lieu, au nom de celui-ci les droits reconnus à la partie civile. En cas de constitution de partie civile, le juge fait désigner un avocat d'office pour le mineur s'il n'en a pas déjà été choisi un. Les dispositions qui précèdent sont applicables devant la juridiction de jugement." La désignation de l'administrateur pourra donc intervenir dans toutes les affaires de maltraitance sexuelle dès lors que seront mis en cause les représentants légaux du mineur ou lorsque ceux-ci se désintéresseront de l'affaire, quel que soit le degré de leur défaillance. .

Le statut de l'administrateur ad hoc a été précisé par un décret 99-818 du 16 septembre 1999.: il peut être choisi au sein de la famille du mineur ou parmi ses proches. Il peut aussi être choisi parmi une liste de personnes physiques ou morales établie judiciairement (inscription sur une liste établie dans chaque cour d'appel). Peut être désignée toute personnes qui s'est signalée "depuis un temps suffisant par l'intérêt qu'elle porte aux questions de l'enfance et par sa compétence".

L'administrateur exerce une fonction multiple. Il s'agit d'une véritable représentation du mineur et d'une sorte de substitution (pour le procès) des parents. La représentation du mineur sera évidemment très différente selon son âge et ses capacités. Si l'incapacité est juridiquement identique tout au long de la minorité, elle doit être interprétée différemment selon les espèces. Pour les très jeunes enfants (qui peuvent être dès le plus jeune âge, comme nourrisson, victime des crimes les plus graves) il est seulement possible de les représenter au mieux, en s'aidant d'une notion assez abstraite d'intérêt de l'enfant. Pour les plus grands, l'administrateur ad hoc devra bien évidemment prendre l'avis du mineur, et même s'entretenir étroitement avec lui des modalités de défense de ses intérêts. Dès lors que la loi prévoit la possibilité d'une audition de l'enfant, le rôle de l'administrateur change. Pour autant, il ne devient pas un simple porte-parole de l'enfant. De même que le parent ordinaire représentant son enfant en justice ne se contente pas de répéter ce qu'il a pu lui dire, mais agit en fonction d'un intérêt qu'il juge supérieur , l'administrateur recueille l'avis de l'enfant mais ne s'en contente pas. D'où la possibilité de conflits entre le mineur et son représentant temporaire.

L'administrateur ad hoc a plus qu'un rôle de représentation. Il a aussi un rôle de soutien et d'aide. L'accompagnement consistera donc à expliquer le fonctionnement de la justice et de sa procédure. Rude tâche qui exige une bonne pratique de l'appareil judiciaire et de réelles qualités pédagogiques pour faire comprendre non seulement le mécanisme, mais les aléas et surtout les éventuels dysfonctionnements (longueurs de la procédure, agressivité de certaines questions...).

L'administrateur doit donc être présent aux côtés du mineur lors de ses auditions en justice. Il doit l'aider à les préparer, servir de relais éventuel avec l'avocat ou la famille. Il doit laisser l'enfant s'exprimer librement, écouter ses choix, mais aussi le conseiller et le prévenir.

Le mineur victime, dès lors qu'il est représenté (par ses représentants légaux ou un administrateur ad hoc) pourra être assisté d'un avocat. La loi prévoit d'ailleurs que l'aide juridictionnelle est de droit dans ce cas. Il pourra s'agir d'un "avocat d'enfant". Ce terme correspond bien à une réalité, mais celle-ci n'a encore reçu aucune consécration juridique. Aucune réglementation ne prévoit pour l'instant de spécialisation de ce type. Mais dans les faits beaucoup d'avocats se spécialisent dans le droit des mineurs. Dans chaque barreau les avocats se regroupent selon des modalités différentes. Au sein de ces groupes ou associations ils organisent eux-mêmes leur formation. Ils se sont déjà réunis à plusieurs reprises en Congrès national, la dernière fois à VERSAILLES en octobre 2002. Les personnes particulièrement vulnérables

S'agissant des majeurs la loi prévoit, dans certains cas, dispositifs spéciaux d'alerte qui seront étudiés plus loin, permettant d'avertir les autorités lorsqu'une personne qui n'est pas en mesure de se protéger "en raison de son âge ou de son état physique ou psychique" est victime de certaines infractions, notamment de maltraitance sexuelle. Pour autant ces personnes conserve leur droit de porter plainte en s'adressant comme n'importe qui à la police judiciaire ou au procureur de la République. La loi civile a toutefois aménagé des régimes de protection de certains majeurs, notamment la curatelle et la tutelle. Il appartient alors aux seules personnes habilitées à les représenter (curateurs ou tuteurs) de se constituer partie civile.

- Réglementation des procédures d'alerte particulières: signalement, dénonciation et intervention

Distinctions: signalement, dénonciation, interventionCertaines population à risque donnent lieu à des procédures d'alerte particulières confiées aux professionnels ou à la charge du simple citoyen. Leur régime complexe est source d'incertitudes et de conflits. Il convient avant tout de bien distinguer les termes employés, le flou du vocabulaire ajoutant à la confusion.

On parle de signalement lorsqu'un professionnel (médecin, travailleur social, enseignant...) alerte les autorités sur le cas d'un mineur victime (qu'il ait plus ou moins de 15 ans). La loi a réglementé et centralisé la procédure du signalement dans le code de l'action sociale et des familles.

La dénonciation concerne les situations dans lesquelles le code pénal ou bien le code de procédure pénale prévoient voire imposent l'alerte des autorités en présence d'une maltraitance sexuelle.

C'est une intervention que la loi exige dans certaines situations de péril grave où tout un chacun - y compris le professionnel ou non- doit protéger la victime, d'où l'incrimination de non assistance à personne en péril. Cette problématique-là peut concerner les maltraitances sexuelles. L'intervention requise peut se traduire par une alerte rapide des autorités.

Ces trois hypothèses doivent être soigneusement examinées si l'on veut appréhender la matière dans son ensemble. Le signalement de maltraitances sexuelles commises au préjudice de mineurs

Le signalement permet d'alerter les autorités sur l'existence d'une situation de danger ou de risque pour les mineurs. Il est normalement mis en oeuvre dans le cadre d'une procédure administrative définie par le code de l'action sociale et des familles. La centralisation des signalements est confiée aux présidents des conseils généraux. Les services départementaux de l'aide sociale à l'enfance ont pour mission "d'organiser, sans préjudice des compétences de l'autorité judiciaire, le recueil des informations relatives aux mineurs maltraités" (article L221-1). Le président du conseil général est chargé de mettre "en place, après concertation avec le représentant de l'Etat dans le département, un dispositif permettant de recueillir en permanence les informations relatives aux mineurs maltraités et de répondre aux situations d'urgence, selon des modalités définies en liaison avec l'autorité judiciaire et les services de l'Etat dans le département" (article L226-3). Il doit de plus assurer la liaison avec l'autorité judiciaire en l'avisant sans délai sous certaines conditions des cas de maltraitance ou des présomptions de celle-ci. L'article L226-4 du code de l'action sociale et des familles prévoit que "lorsqu'un mineur est victime de mauvais traitements ou lorsqu'il est présumé l'être et qu'il est impossible d'évaluer la situation ou que la famille refuse manifestement d'accepter l'intervention du service de l'aide sociale à l'enfance, le président du conseil général avise sans délai l'autorité judiciaire".

Les services départementaux sont eux-mêmes informés des situations de risque ou de danger par de multiples sources. Une enquête de l'ODAS publiée en février 1999, indique que le repérage des enfants maltraités (comprenant donc pour partie les abus sexuels, mais aussi les autres types de violence) est effectué pour un tiers environ à partir d'informations de non professionnels issus de l'entourage de l'enfant, pour une moitié par des professionnels et enfin dans 17% des cas par des personnes anonymes. Les professionnels sont repertoriés comme suit: - 20% les services sociaux départementaux, - 6% les autres services sociaux, - 11% l'éducation nationale, - 12% les autres professionnels. Les renseignements anonymes proviennent notamment d'un service d'accueil téléphonique gratuit est créé à l'échelon national (SNATEM). Ce dernier dispose d'un numéro vert national, gratuit donc, le 119, "Allô, enfance maltraitée", qui doit être obligatoirement affiché dans tous les lieux accueillant les enfants. Accessible de toute la France métropolitaine, il fonctionne en permanence et permet à toute personne, y compris les enfants, de signaler une situation de maltraitance. Obligation de dénonciation imposée aux fonctionnaires

Les fonctionnaires sont soumis à une obligation particulière de dénonciation qui n'est pas particulière aux maltraitances sexuelles mais peut s'appliquer à elles. L'article 40, dans son alinéa 2, prévoit en effet que "toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs". Ces dispositions s'appliquent sans distinction à toutes les infractions. Elles visent tous les fonctionnaires de l'Etat, des régions, des départements ou des communes. Ces prescriptions ne sont assorties d'aucune sanction pénale (Crim. 13 octobre 1992, Bull. crim. n°320). Leur efficacité réelle est minime. Elles constituent une maigre source d'information des autorités en matière de maltraitance. Le texte a simplement le mérite d'exister et de rappeler que les agents du service public ont une mission particulière de vigilance au sein de la société.Obligations de dénonciation imposées et sanctionnées par le code pénal (infractions de non-dénonciation)

Le code pénal impose à tout citoyen d'alerter la justice ("les autorités judiciaires") dans quelques cas strictement énumérés. Il ne faut pas surestimer la portée de ces textes dont efficacité n'a aucune mesure avec ceux qui régissent le signalement. Ces incriminations ne sont d'ailleurs pas ou peu connues du public. Et à peine des professionnels concernés. Elles ne constituent donc pas une réelle incitation et ne constituent pas la base d'une politique de l'enfance maltraitée ou de la prévention des abus sexuels, ni même un de ses éléments. Elles servent simplement à sanctionner les inactions les plus scandaleuses apparues après-coup aux autorités judiciaires.

L'obligation de dénoncer intéressant le plus les maltraitances sexuelles est prévue par l'article 434-3 du code pénal. Cet article prévoit en effet une obligation de dénonciation lorsqu'un mineur ou une personne vulnérable ("personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse") est victime de "mauvais traitements" ou de "privations". Les maltraitances sexuelles font évidemment partie des "mauvais traitements" visés par la loi. Tout un chacun, dès lors qu'il a eu connaissance de ces faits, est soumis à cette obligation sans aucune exception même en faveur de proches. Seules les personnes astreintes au secret professionnel sont exemptées de cette obligation. La loi prévoit que la dénonciation peut être faite aussi bien aux autorités judiciaires qu'administratives. La violation de cette obligation est sanctionnée d'une peine de 3 ans d'emprisonnement et de 45.000 euros d'amende.

Le code pénal a également prévu à l'article 434-1 une autre obligation de dénoncer dans un cas beaucoup plus rare mais qui peut concerner également les maltraitances sexuelles. Il s'agit du cas où une infraction particulièrement grave, un crime (un viol par exemple) vient d'être commis. La loi impose alors, sous certaines conditions, à tout citoyen -sauf quelques exceptions- d'avertir la justice ou l'administration. Si le mal est fait, que le crime est accompli et ne peut se reproduire, la loi n'impose rien. L'intention du législateur est en fait de prévenir plus que d'inciter à la délation. La dénonciation s'impose lorsqu'il est "encore possible de prévenir ou de limiter les effets" du crime. Ou lorsque "les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés". Le législateur a eu quelque scrupule à imposer une telle attitude aux membres de la famille. Il a élaboré un compromis assez compliqué qui dispense de cette obligation certains proches (les parents en ligne directe et leurs conjoints, ainsi que les frère et soeurs et leurs conjoints, de l'auteur ou du complice du crime; le conjoint de l'auteur ou du complice du crime, ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui), sauf s'il s'agit de crime commis sur un mineur de 15 ans. Les personnes astreintes au secret sont totalement exemptées de cette obligation.Les interventions obligatoires

Les maltraitances sexuelles peuvent faire l'objet d'un signalement ou d'une dénonciation. Mais elle constituent aussi un péril dont la gravité et l'imminence peuvent justifier une intervention immédiate à la charge de toute personne qui en a eu connaissance. Deux textes du code pénal imposent une telle intervention: le plus connu est l'article 223-6 alinéa 2 qui réprime la non assistance à personne en péril; l'autre, l'article 223-6 alinéa 1er, oblige à intervenir quand un crime ou un délit contre l'intégrité des personnes (donc une maltraitance sexuelle) est en train de se commettre. Ces textes sont d'importance car ils concernent tous les citoyens, y compris les professionnels. Ces incriminations et les sanctions qui les accompagnent peuvent leur être applicables alors même qu'ils ne pourraient être poursuivis pour les délits de non-dénonciation de crime ou de mauvais traitements pour lesquels, on l'a vu, ils jouissent d'une immunité en raison du secret professionnel.

En matière de non assistance à personne en péril, la loi n'indique pas quelle doit être l'attitude de la personne qui intervient: elle peut agir personnellement mais elle peut aussi provoquer des secours. L'intervention exigée n'est pas synonyme de dénonciation. Il appartient à chacun de choisir le mode d'action qui lui paraît le plus approprié et le plus efficace du moment que l'intervention requise par la loi a eu lieu. S'agissant de maltraitance sexuelle, ces secours peuvent prendre la forme d'une alerte des autorités concernées, judiciaires ou administratives. La seule limite prévue par la loi est que l'intervention de la personne qui porte secours ne doit pas exposer à un risque ni lui-même, ni un tiers.

- Responsabilité des professionnels astreints au secret

Possibilité de dénoncer des abus sexuels sans encourir de sanction pour violation du secret ni de sanctions disciplinaires.Toute violation du secret professionnel est punie par la loi (article 226-13 du code pénal) et par les règles déontologiques. Dans deux hypothèses prévues par la loi et concernant notamment les cas de maltraitance sexuelle, le professionnel n'est plus lié par le secret et peut dénoncer ou signaler les faits sans encourir de condamnation pour violation du secret du moins.Première hypothèse: mineurs de quinze ans et personnes vulnérables

La première hypothèse (article 226-14-1°) concerne les sévices et privations, "y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes sexuelles", infligés à un mineur de 15 ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger "en raison de son âge ou de son état physique ou psychique". Le professionnel n'est pas tenu de demander son consentement à la victime. Son état de faiblesse présumé autorise une telle entorse à sa "liberté". En tout cas, il ne s'agit pas d'une obligation de dénoncer, comme il est parfois indiqué. La loi offre au professionnel un choix. Il peut ne pas dénoncer ou bien signaler les faits. Dans cette dernière hypothèse, il a encore le choix entre plusieurs destinataires: il peut prévenir les autorités judiciaires, médicales ou administratives. On retiendra que la loi ne délie donc pas le professionnel de son secret lorsque les atteintes sexuelles sont commises sur un mineur de plus de quinze ans ou un adulte s'ils sont en mesure de se protéger eux-mêmes. Deuxième hypothèse: le médecin informé de violences sexuelles.

La seconde disposition (226-14-2°) a un champ d'application très limité: elle ne concerne que les violences sexuelles et que le corps médical. Le médecin peut, avec l'accord de la victime, porter à la connaissance du procureur de la République "les sévices qu'il a constatés dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences sexuelles de toute nature ont été commises". Cette disposition recoupe en partie la première. En effet, la victime de violences sexuelles peut être un mineur de quinze ans ou une personne particulièrement vulnérable. Dans ce cas, le médecin peut invoquer soit l'article 226-14-1° et prévenir les autorités judiciaires sans demander l'accord de son patient., soit l'article 226-14-2° et alerter le procureur de la République en demandant alors le consentement de son client.

L'article 226-14-2° a donc surtout son utilité pour les mineurs de plus de quinze ans et pour les personnes qui ne présentent pas de vulnérabilité particulière.

La loi exige du médecin qu'il procède à des "constatations", sans toutefois préciser le type d'examen clinique. Il peut tout aussi bien s'agir de déclarations faites au médecin (on sait que beaucoup de violences sexuelles ne laissent aucune trace physique), que de traces relevées par le médecin lors d'un examen du corps.

La preuve du consentement du patient peut être difficile à rapporter. Dès lors que la victime a accepté de se soumettre à des examens médicaux, elle estime qu'elle a donné son consentement et que le médecin est légitimé à remettre directement à l'officier de police judiciaire chargé de l'enquête un certificat médical (Crim. 8 mars 2000, Bull. crim. n°109, Dr. Pén. 2000, comm. 100, obs. Véron). La protection législative récente en cas de poursuites disciplinaires suite à un signalement

La loi du 17 janvier 2002 dite de modernisation sociale a précisé qu'aucune "sanction disciplinaire ne peut être prononcée du fait du signalement de sévices par le médecin aux autorités compétentes dans les conditions du présent article", créant de ce fait une sorte d'immunité disciplinaire pour le médecin. Cette disposition résulte d'un amendement de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée et du travail législatif ultérieur. Elle fait suite à des poursuites disciplinaires qui avaient été engagées contre des médecins et avaient abouti à des condamnations d'interdiction professionnelle parfois lourdes.

Le dispositif voté prévoit aussi que la juridiction disciplinaire est néanmoins saisie suite à un signalement du médecin, elle doit surseoir à statuer si une juridiction pénale est également saisie. On voit que cette loi du 17 janvier 2002 assure une protection disciplinaire au médecin mais qu'elle ne lui assure aucune immunité sur le plan judiciaire. Le risque de poursuites judiciaires en cas de signalement erroné: la dénonciation calomnieuse.

La personne effectuant un signalement ou une dénonciation peut être poursuivie pénalement par la personne visée qui s'estimerait injustement dénoncée. Il s'agit du délit de dénonciation calomnieuse prévu par l'article 226-10 du code pénal et puni d'une peine maximum de 5 ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende. Peut être poursuivie la personne qui, de mauvaise foi, dénonce des faits qui peuvent entraîner une sanction judiciaire, administrative ou disciplinaire, alors qu'il savait que ces faits étaient soit totalement, soit partiellement faux. Les tribunaux considèrent que peuvent être poursuivies non seulement les personnes qui inventent des infractions mais celles qui dénaturent les faits ou bien les présentent de façon tendancieuse ou accompagnées de circonstances imaginaires. Actuellement aucun texte ne protège les professionnels contre ce risque et plusieurs poursuites sont actuellement en cours. Elles suscitent un certain émoi dans le monde médical qui se mobilise pour obtenir une garantie d'immunité dès lors qu'il s'agit de protéger un enfant. En l'attente d'une éventuelle modification législative, les professionnels doivent, à l'occasion de tels signalements, appliquer une stricte déontologie dont il est possible d'esquisser les grandes lignes.

- Éthique et déontologie du signalement

La législation du signalement et plus généralement des procédures d'alerte est donc complexe. Ses origines sont variées. Elles résultent de créations législatives successives et disparates sans grand souci d'unité. La loi, à elle seule, est un guide insuffisant. Les professionnels doivent s'appuyer sur une déontologie propre compte tenu des problèmes éthiques qui mettent en jeu de multiples principes difficilement conciliables, tels que le secret professionnel, le respect de la vie privée, la protection de la victime, la présomption d'innocence...

Il s'agit d'éviter une abstention coupable qui risquerait de faire perdurer les maltraitances et de mettre en danger la victime, mais aussi de se garder de signalements inconsidérés ou abusifs. La vigilance du professionnel doit s'exercer dans trois domaines au moins: l'estimation de l'urgence, l'appréciation de la maltraitance, la rédaction du signalement.

Appréciation de l'urgence

Le professionnel risque d'être happé par l'urgence d'une situation qui ne lui laisserait pas le temps d'apprécier et d'évaluer correctement la réalité des faits et la marge d'incertitude possible. Les constatations médicales pures (déchirures d'hymen, violences concomitantes, lésions de défense...) sont paradoxalement rares en matière de maltraitance sexuelle. Le professionnel aura le plus souvent à se décider à partir de la parole de la victime. Il lui appartient, surtout en situation d'urgence, de recueillir cette parole avec exactitude et méthode et surtout de façon non suggestive, ce qui suppose une formation spécialisée ou une sensibilisation au sujet, permettant de pratiquer une écoute neutre et de poser les seules questions nécessaires sans risque d'influence ou de pollution du discours de la victime. Le risque majeur est d'ajouter au propos de la victime ou de dénaturer son propos.

L'autre risque est, en situation estimée d'urgence, de dépasser le cadre de sa propre compétence.

Il appartient certes au professionnel d'apporter immédiatement l'aide nécessaire légitime (sous peine de poursuite du chef de non assistance à personne en danger), mais le partage de l'information et la réflexion en commun est toujours préférable dans un domaine aussi chargé d'émotions et de représentations. Elle évite des réactions impulsives, doctrinales ou passionnelles qui peuvent tout aussi bien atteindre le professionnel que le particulier. Le recours à un tiers est donc toujours préférable. Il pourra s'agir d'un professionnel plus spécialisé, un médecin spécialiste (pédiatre, gynécologue, psychiatre, pédo-psychiatre...) ou une équipe hospitalière habitué à ces cas. Ils permettront d'obtenir un diagnostic plus sûr et, si besoin est, un bilan global. Il peut aussi être fait appel au service départemental d'aide à l'enfance, chargé de centraliser les signalements de maltraitance. B

Appréciation des signes extérieurs de la maltraitance sexuelle

Le professionnel est tenu à une obligation de prudence. L'article 44 du code de déontologie précise d'ailleurs que "lorsqu'un médecin discerne qu'une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en oeuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection". La formule est belle et bonne, mais un peu courte face à la réalité.

La prudence doit d'appliquer dans la sélection et la description des signes retenus. En l'absence d'éléments extérieurs clairs ou manifestes, le professionnel peut être amené à invoquer comme indice des symptômes liés au comportement qui ne sont pas spécifiques des maltraitances sexuelles et peuvent s'appliquer à bien d'autres situations de souffrance d'origine variée. Or il ne peut mener d'enquête contradictoire, ne disposant que d'une version, celle de la victime, sans pouvoir la comparer à d'autres ou la confronter à des éléments de faits. Il ne lui appartient donc pas prendre parti mais de rapporter une situation qui l'alarme. Il n'a ni à authentifier une parole, ni à la mettre en doute.

Rédaction du signalement

La rédaction du signalement doit être particulièrement soignée par le professionnel. En alertant les autorités administratives ou judiciaires, le professionnel met en route une machine dont il ignore souvent la lourdeur et l'imprévisibilité. Il engage de plus sa responsabilité et peut avoir à en rendre compte devant un tribunal pénal si ce n'est devant son instance disciplinaire.

Descriptif et non interprétatif, le signalement doit donc contenir des constatations et des observations. Les dires de la victime ou de ses proches doivent être cités. Ils peuvent être repris entre guillemets, en essayant de déformer le moins possible les propos tenus et sans y ajouter de commentaires de crédibilité. Les limites de la compétence du professionnel sont une barrière heureuse et impérative qui délimitent avec rigueur la légitimité du signalement. Il faut proscrire toute appréciation personnelle sur l'auteur possible des faits qui sont du domaine de l'enquête policière: le signalement concerne de toutes façons la victime et non l'auteur. Il ne s'agit pas de juger mais d'alerter avec toute la neutralité désirable. Le professionnel ne doit en aucun cas se mettre à la place de l'autorité qu'il saisit et lui dicter sa conduite mais lui soumettre l'avis d'un témoin privilégié: sachant et technicien à la fois.

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Dernière mise à jour : dimanche 30 novembre 2003

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