Conséquences des maltraitances sexuelles. Les reconnaître, les soigner, les prévenir

Conférence de consensus qui s'est tenue à Paris les 6 et 7 novembre 2003 organisée par

Fédération Française de Psychiatrie
selon la méthodologie de l’ANAES
avec le soutien de la Direction Générale de la Santé

Sociétés Partenaires : Sociétés Francophone de Médecine d'Urgence, INAVEM, Société Française de Pédiatrie, Collège National des Généralistes Enseignants


Comment aborder et traiter une maltraitance récente chez l'enfant et l'adolescent ?

Françoise HOCHART, Nicole GARRET - GLOANEC

INTRODUCTION

Prendre en charge la maltraitance fait toujours mal. La charge émotionnelle importante, qui entoure la révélation de faits récents, les difficultés culturelles à aborder ce qui touche à la sexualité, et encore plus à ses aspects dérangeants, la plus grande fragilité des intervenants face à de jeunes victimes, concourent à rendre très complexe et douloureux l'abord des maltraitances sexuelles chez l'enfant. Or, l'enfant a besoin d'aide, d'adultes professionnels, qui sachent reconnaître ses lésions physiques, et ses traumatismes psychologiques, faire les gestes utiles et dire les paroles nécessaires en urgence, pour ne pas aggraver ses souffrances.

Afin d'aider les médecins et tous les professionnels de l'enfance, dans cette tâche qui sera toujours difficile, et dans laquelle ils devront s'adapter à chaque cas particulier, on peut proposer cependant quelques conseils, issus d'expériences cliniques et des conclusions d'une recherche menée par une équipe pédiatrique pluridisciplinaire (PHRC 1993-1996) (1) ainsi que des réflexions d'experts lors de groupes de travail et séminaires (2) (3).


I - COMMENT CONDUIRE L'ACCUEIL

1) QUAND ? : la prise en charge demandée pour un enfant, victime d'abus sexuel, peut souvent être retardée, afin que l'enfant soit vu dans les meilleures conditions. Cependant, dans certaines circonstances, l'enfant doit être accueilli en urgence. L'équipe pluridisciplinaire pour l'enfance en danger du CHR de Lille a dans une recherche clinique (1) étudié les critères d'urgence qui pour elle sont au nombre de trois :

a) nécessité d'une mise à l'abri immédiate. Les circonstances de l'abus sexuels, évoqués lors de la révélation, ne permettent pas de laisser l'enfant en contact avec le maltraitant potentiel, ni de prendre toutes les mesures de protection, devant le peu d'éléments existants, une évaluation pluridisciplinaire en milieu hospitalier s'impose alors.
b) nécessité de constat immédiat de lésions physiques et de soins d'urgence. On peut rapprocher de cette situation les cas où l'enfant vient de révéler des abus sexuels, et est prêt maintenant à en parler avec quelqu'un qui sait l'écouter.
c) l'impossibilité pour l'entourage d'accompagner et d'aider l'enfant exemple d'un enfant agressé par un tiers, mais dont la famille, trop traumatisée elle même, doit être soutenue. On peut rapprocher de cette situation des cas, où les professionnels eux mêmes, en très grande difficulté, ne peuvent aider l'enfant.

En dehors de ces trois situations il est souvent préférable de procéder à une programmation différée, bien préparée.

2) OÙ
- A l'hôpital (1) (4) (5) (6) (7)
L'hôpital avec les autres acteurs médico-psycho-socio-éducatifs et judiciaires, peut avoir un rôle à jouer du fait de sa spécificité :
- lieu d'aide, de diagnostic, de soins.
- Lieu neutre (l'enfant peut y être admis, lorsqu'il n'existe que des doutes. Si ceux ci ne sont pas confirmés, il n'y aura pas eu de conséquences irréparables. S'ils le sont, la prise en charge pourra immédiatement débuter sans attendre une confirmation souvent tardive.
- Lieu de protection.
- Lieu d'observation sereine (l'enfant est à l'abri ,l'angoisse d'une erreur de jugement ne parasite pas la réflexion, pendant un temps, la précipitation est évitée)
- Lieu ouvert 24 heures sur 24
- L'hôpital est par ailleurs doté de différents spécialistes et d'un plateau technique

- En pédiatrie (5) (8)
L'enfant abusé reste avant tout un enfant, accueilli dans sa globalité et non un hymen déchiré, à qui l'on ne prête attention, que par l'abord gynécologique.
A l'hôpital, le service de pédiatrie est le mieux adapté à le recevoir :
- disposant d'un personnel formé à l'approche des enfants
- lui permettant le contact avec d'autres enfants souffrant des mêmes maux ou de maux différents
- lui redonnant sa place d'enfant, ce qui n'était plus le cas pour de nombreuses formes de maltraitance, en particulier les abus sexuels


- dans une pièce, suffisamment conviviale, pour accueillir un enfant traumatisé, par une agression récente ou sous le choc d'une révélation récente. Cette pièce doit être adaptée aux différents âges, avec un coin jeu pour les petits, des sièges confortables pour les adultes autour d'une table de préférence ronde, ou s'assiéront les différentes personnes. Cette pièce peut être décorée avec différents posters transmettant des messages, sur le rôle des professionnels accueillants, dans l'aide et le soin. Cette pièce doit être séparée de l'agitation des services hospitaliers, pour permettre des entretiens, pendant lesquels, compte tenu souvent de l'intensité dramatique, du respect essentiel des personnes et de la confidentialité des éléments recueillis, les intervenants ne doivent pas être interrompus. Les enfants et les familles doivent se sentir rassurés.

3 ) QUI EST RECU ?

Un ENFANT et non une victime d'abus.
Cette façon de prendre en charge permet aux adultes, toujours en difficulté ,qui reçoivent, de prendre du recul et d'être moins dans l'émotion et à l'enfant d'entrer d'emblée dans le processus de réparation. Il nous paraît essentiel de s'adresser, lors de l'entretien, à l'enfant en premier, avant les adultes qui l'accompagnent. C'est lui la personne importante, c'est de son histoire qu'il va être question. Par rapport à un enfant qui a été méprisé, utilisé comme objet sexuel, c'est déjà lui montrer en présence de son entourage, qu'il est une personne, un sujet reconnu par des adultes professionnels

4) COMMENT ?
a) Il faut faire connaissance avec l'enfant, le mettre en confiance, en lui posant des questions sur son nom, son âge, certaines habitudes de vie, sans aborder d'emblée le motif de sa venue. Il faudra ensuite lui demander s'il est au courant du motif, sans lui demander de l'évoquer à ce moment. S'il ne l'est pas (ce qui peut être variable en fonction des circonstances) reprendre avec lui, et devant les autres personnes, les symptômes qui ont alarmé sur sa santé physique ou psychique, en lui expliquant, en fonction de son âge, de la façon la plus simple possible, le rôle des professionnels qui le reçoivent , qui « sont là pour voir comment il va dans son corps et dans sa tête, et pour l'aider s'il y a des choses qui ne vont pas ».

b) On reçoit durant le même accueil, mais dans un second temps, l'adulte ou les adultes proches accompagnant l'enfant, pour faire également connaissance avec eux, sans aborder non plus le motif de la venue à ce moment là.

c) Puis, toujours dans le même accueil, dans un troisième temps, en présence de l'enfant et de sa famille, le professionnel à l'origine de la demande, qui peut être physiquement présent, ou doit dans tous les cas l'être symboliquement, par le rappel de l'accueillant, d'une demande faite par le docteur Untel, qui a téléphoné ou écrit, le policier qui a adressé une réquisition, le travailleur social qui accompagne, etcŠ »je te reçois à la demande deŠ.qui s'inquiète pour ta santéŠ. » « ou à la demande deŠ.à la suite de ce que tu lui as dit ».
L'accueil ainsi conduit est une première étape essentielle pour une alliance thérapeutique.

5) QUI RECOIT ?

IL NE FAUT JAMAIS RESTER SEUL FACE A LA MALTRAITANCE

La difficulté du sujet impose de ne pas rester seul.
Les formes cliniques variées, l'étiologie multifactorielle, requièrent un travail d'équipe pluridisciplinaire , et des contacts, avec tous les intervenants du réseau.
Savoir que la maltraitance existe, en connaître les clignotants, pouvoir aider à la prévenir, doit être l'affaire de tous.
Mais confirmer un diagnostic délicat , prendre en charge une problématique complexe, impose souvent le recours à des spécialistes.

A la suite d'une recherche clinique (1) il nous est apparu après différents essais, préférable de recevoir l'enfant à deux personnes, de fonctions différentes, il est nécessaire d'additionner les compétences pluridisciplinaires, d'éviter la subjectivité par deux regards croisés, et de signifier aux personnes reçues, dès l'accueil que l'intervention sera celle d'une équipe pluridisciplinaire. (1) (5) (6) (9)
Cette phase d'accueil étant déjà en plus d'une phase d'évaluation , une phase de prise en charge thérapeutique par l'attitude des accueillants.
Les professionnels pourront être, en fonction des moyens de l'équipe, et des disponibilités de chacun, un pédiatre et un pédopsychiatre, un pédiatre et un psychologueŠŠ


II - COMMENT CONDUIRE L'ENTRETIEN ?

Après la phase d'accueil réunissant l'enfant (voire les enfants), l'adulte (ou les adultes) proches ou de la famille l'accompagnant et éventuellement le professionnel demandeur, ainsi que les membres de l'équipe qui reçoivent, l'entretien se fait lui, en tête à tête, avec l'enfant, et de façon séparée avec les parents.

A ­ EXAMEN PSYCHIQUE

Entretien avec l'enfant : on s'est assuré dès l'accueil qu'il était au courant du motif (suite à sa révélation ou par rapport à des comportements et à des signaux d'alarme non verbaux). Il faut maintenant situer le cadre, dans lequel on est amené à recevoir l' enfant ou l'adolescent victime d'une maltraitance sexuelle récente.

Quatre cas différents peuvent être envisagés :

1 ­ la révélation a été faite par l'enfant (10)
Le médecin doit être à l'aise face à l'enfant, capable d'entendre des choses difficiles, sans réagir trop vivement et risquer par son attitude de renvoyer l'enfant au silence. Tout ceci demande de s'y préparer. Il doit lui demander s'il souhaite en parler et l' l'ECOUTER, en le laissant parler sans l'interrompre, et lorsqu'il a fini son récit spontané, lui poser éventuellement des questions complémentaires, non suggestives.
Le médecin n'est pas un enquêteur, il ne doit pas chercher à savoir si c'est vrai ou non, mais seulement entendre et noter tout ce que dit l'enfant, et lui dire qu'il l'a entendu.
Si l'enfant a déjà fait une révélation à une autre personne, et qu'il ne souhaite pas en reparler, il ne faut pas lui demander de le faire. L'examinateur lui dit qu'il comprend sa difficulté d'en reparler.
Si un enfant qui n'a pas encore révélé les faits en parle à un professionnel de l'équipe, cette personne devra, de même, lui expliquer, ce qu'il va faire de sa parole, ne pas la transmettre sans lui en parler, le remercier de sa confiance pour lui avoir confié ces faits douloureux, et éventuellement l'accompagner vers un autre professionnel qui va, avec lui, l'aider.
Si l'enfant demande le secret, lui rappeler que l'adulte est tenu par la loi à protéger les enfants, et que s'il garde le secret , il se fait complice, ce qu'il ne souhaite pas, des faits anormaux commis sur lui. Il va lui expliquer que pour le protéger il a besoin, avec son accord, d'en parler à d'autres professionnels, ou l'incite à le faire lui même.

2 ­ ce n'est pas l'enfant qui en a parlé, mais une personne de son entourage qui évoque des abus sexuels (11)
Cette situation est toujours difficile. Il faut recevoir séparément adulte et enfant, afin que l'enfant ne soit pas témoin de ce qui a été dit par l'adulte l'accompagnant, et qu'il ne puisse plus secondairement dire autre chose.
La situation est différente, quand l'enfant est déjà au courant de ce que dit l'adulte et quand l'adulte craint des choses, dont il n'a jamais parlé devant l'enfant.
Ce cas de figure se rencontre la plupart du temps dans les conflits familiaux, il faut savoir rester neutre, et ne pas prendre partie pour un membre de la famille contre un autre.

3 ­ ni l'enfant, ni l'entourage ne parlent d'abus sexuels, mais un autre professionnel les suspecte
Il n'y a aucune révélation d'abus sexuels par l'enfant et son entourage, mais des signaux d'alarme repérés lors de l'examen ou par d'autres professionnels de l'enfance : il s'agit là encore d'une situation très complexe, puisqu'il n'existe aucun signe pathognomonique de maltraitance sexuelle, dans les signaux de souffrance émis par les enfants. Les différents symptômes devront être repérés et notés.
L'examinateur va partir de ces symptômes, lors de l'entretien, dire à l'enfant que des adultes ont vu sa souffrance, et lui dire qu'ils sont là pour comprendre ce qui ne va pas, et l'aider, éventuellement, à en parler pour y remédier. Parfois ces paroles vont déclencher la révélation par l'enfant, dans d'autres cas, l'examinateur dira à l'enfant, qu'il comprend qu'il est difficile pour lui d'en parler, mais que lui n'accepte pas cette souffrance, qu'il pense que l'enfant a vécu des choses anormales, et qu'il souhaite les arrêter .

4 ­ l'enfant est examiné pour un autre motif par un médecin, qui lors de son examen suspecte des abus sexuels.
Le médecin devra être particulièrement vigilant lorsque, pendant un examen clinique, il découvre des lésions de la sphère génito-anale ou lorsqu'on lui demande une contraception ou une IVG pour de très jeunes adolescentes. Là encore, il dira au jeune que ce qu'il a constaté n'est pas acceptable, qu'il peut être difficile d'en parler, que lui est toujours là pour aider.

B ­ FONCTION THERAPEUTIQUE

La bipolarité professionnelle est essentielle dans l'accueil de ces enfants ou adolescents atteints physiquement et psychiquement. Nous prenons soin ainsi, dès le début , de l'effraction corporelle et psychologique subie. Les émotions sont portées à deux thérapeutes de façons différentes, chaque consultant utilise les capacités diagnostiques et thérapeutiques de l'autre pour maintenir ses propres compétences et constituer une sorte de filet dont les mailles s'entremêlent pour mieux porter le patient. Le pédiatre est tourné vers l'histoire somatique, le pédopsychiatre vers la représentation qui en est faite. Il joue un rôle de parexcitation des émotions souvent fortes dans ces instants. Il permet la réintégration somatopsychique en faisant un pont entre les différents temps et les différentes formes du vécu de l'enfant. La douleur, l'angoisse de la mort, le corps abîmé sont soignés, et reconnus par le pédiatre ; le passé, le traumatisme psychique et son inscription dans l'histoire sont portés par le pédopsychiatre. Le clivage, si souvent observé, chez les professionnels et chez les patients, entre le corps et les émotions, entre le passé et le présent, est atténué par cette cothérapie. L'effraction est reconnue dans ses deux aspects, elle est contenue, soignée par ce couple de professionnel qui aura par la suite pertinence à intervenir chacun séparément.
Les parents sont également reçus par ces deux professionnels. A l'issue des entretiens, une synthèse permettra de déterminer les temps pour chacun, la poursuite des soins, l'évaluation de la situation.
Des examens psychologiques complémentaires pourront être estimés nécessaires en synthèse, leur opportunité, le moment de leur passation seront étudiées afin qu'ils interviennent dans une dimension thérapeutique.

III - L'EXAMEN PHYSIQUE : (1) (12)

On ne peut aborder le sujet, de l'examen médical de l'enfant, victime d'agressions sexuelles, sans provoquer des réactions passionnées, défendant des points de vue contraires, basés sur des logiques différentes, ou provoquées par des souvenirs traumatisants.

Nous allons tenter, à partir du point de vue de différents experts européens (2), d'évoquer ces controverses et ce qui les sous tend, puis de décrire, ce qui leur paraît souhaitable de mettre en place dans ce domaine.

A - LES CONTROVERSES

1­ Faut-il pratiquer un examen médical chez les enfants victimes d'abus sexuels ?

L'examen médical fait peur à beaucoup : de nombreux professionnels (en particulier des femmes) projètent leurs propres ressentis et leurs appréhensions d'adultes, avant un examen gynécologique sur un enfant, qui ne réagira pas forcément comme eux. D'autre part, nous avons tous en mémoire des témoignages de victimes, une adolescente pour qui cet examen s'est très mal passé« c'était encore pire que d'être violée par mon père ». Dans ce contexte, certains experts disent l'éviter le plus possible.
D'autres professionnels témoignent de leur crainte légitime d'infliger par leur intervention de nouvelles souffrances à l'enfant et certains experts ne l'utilisent qu'avec parcimonie.
Je crois personnellement que cet examen devrait toujours être pratiqué, chez tout enfant dont le corps a été atteint, quelque que soit l'atteinte et le degré de celle-ci, l'attention du Médecin au corps blessé ouvrant la phase de réparation. Pour une jeune victime d'abus sexuels, le fait qu'un adulte, un médecin prenne en considération sa santé dans sa globalité, son corps meurtri tout entier (et pas seulement son hymen déchiré), va l'aider à voir aussi, son corps autrement et à rentrer dans le processus de soin. Souvent les enfants abusés délaissent leurs corps, négligeant hygiène et tenue vestimentaire, par leurs conduites addictives ou des troubles alimentaires, ils peuvent aussi mettre leur santé en danger, refusant de s'intéresser à ce corps, dont ils ont honte, dont ils se mettent à distance. Leur montrer que le corps existe autrement, peut les aider à ne pas eux-mêmes le maltraiter.
Mais je crois également, que les attentes que l'on a de cet examen, et les conditions de sa réalisation sont essentielles à définir.

2 - Qu'attendons nous de l'examen médical ?

Il est fréquent de constater que l'examen est demandé par certains policiers comme tel, « pour savoir si la victime a dit vrai », par certaines familles « pour savoir si c'est grave et si on doit porter plainte », par certains magistrats« pour voir s'il faut poursuivre », Or on en attend trop alors que l'on sait que dans la plupart des cas, il n'y a pas de signe spécifique.
On ne doit pas donner à l'examen médical, plus de valeur qu'aux autres éléments d'évaluation. Un enfant peut avoir vécu une agression sexuelle, sans que l'examen médical montre d'éléments objectifs : des attouchements ou une pénétration buccale ne laissent pas de blessure physique, et il est rare de constater des lésions anatomiques après pénétration anale.
L'examen médical ne doit pas être utilisé pour vérifier la parole de l'enfant. Ceci contribue à rendre celui-ci mal à l'aise lors de l'examen, qu'il subit comme un sérum de vérité, prescrit par des adultes qui ne croient pas en sa parole.
En fonction de l'âge de l'enfant, de sa connaissance de la sexualité, de son état émotionnel, il n'est pas rare d'entendre des enfants décrire des pénétrations qu'ils n'ont pas subi, ou au contraire ne pas les mentionner alors qu'elles ont eu lieu. Dans ces cas, les constations d'examens contredisent la parole, mais ces deux situations ne sont pas prises en compte identiquement : il est habituel de comprendre, qu'un enfant ne puisse pas tout dire, quand un viol, qui n'avait pas été révélé est constaté à l'examen ; par contre, il est encore trop souvent entendu, que l'enfant a menti, quand il décrit une pénétration non vérifiée par l'examen. Ceci s'explique très bien, par le fait que, le jeune enfant, mais aussi parfois même l'adolescent, n'a pas toujours une bonne connaissance de son anatomie, ou est tellement choqué, qu'il est incapable d'analyser, ce qui s'est passé exactement : il a ressenti une atteinte dans son corps, et décrit de la même façon en disant « dedans »,une pénétration vulvaire ou vaginale.
Tout ceci montre, que quelque soit l'acte révélé, l'examen médical ne devrait donc pas être demandé, en fonction de la parole de l'enfant (considéré à tort comme inutile en cas de révélation d'attouchements et demande systématiquement, quand est évoquée une pénétration) mais dans tous les cas, pour apporter un éventuel élément supplémentaire.
De plus, il est fréquent de retrouver, chez des enfants maltraités et souvent négligés, des pathologies complètement passées inaperçues, dont la prise en charge peut, aussi, nettement améliorer leur condition de vie ultérieure.


3 ­ Quels sont les résultats réellement escomptables de l'examen médical ?

Dans des circonstances, très rares heureusement, la pénétration génitale ou anale a été accompagnée d'une violence telle, qu'il existe des dégâts anatomiques importants, ne posant aucun doute diagnostic.
Ces lésions sont parfois accompagnées, d'autres lésions physiques sur le corps, témoins de violence subie (d'où l'intérêt d'un examen global et non d'un seul examen gynécologique).

D'autres fois, l'examen clinique retrouve des traces de traumatisme récents au niveau des cuisses, du pubis, des grandes et petites lèvres, du clitoris, de l'urètre et de la fourchette postérieure (abrasion, ecchymose, pétéchies, hématome, érythème, lacération).

L'examen peut également retrouver des séquelles d'anciens traumatismes ou de traumatisme chronique (béance du méat urinaire, cicatrice, hypertrophie du clitoris ou du capuchon du clitoris, pigmentation ou hypo pigmentation, synéchies, dépression de la fourchette postérieureŠ) La fusion ou adhérence des petites lèvres ont été récemment associées à la présence d'un abus sexuel. Cependant ces adhérences ne sont pas un indice suffisant d'abus, sauf si les adhérences ne sont pas typiques, ou si on a relevé d'autres indices lors de l'histoire clinique et/ou de l'examen. Un abus sexuel peut être la cause de fusion labiale par manipulation provoquant une inflammation entraînant l'adhérence des tissus.

Au niveau de l'hymen, les principales lésions constatées sont : des contusions, des déchirures traumatiques récentes, sanguinolentes ou anciennes, cicatrisées. Le caractère traumatique des lésions est d'autant plus typique qu'elles sont complètes (allant jusqu'au vestibule). Ces lésions récentes ou plus anciennes, inhabituelles dans le jeune âge permettent le diagnostic.

Des prélèvements pour recherche de spermatozoïdes (permettant en outre la réalisation d'une empreinte génétique) peuvent être positifs et permettent d'affirmer l'agression sexuelle (et ceci même en l'absence de pénétration).

Mais en dehors de ces cas relativement exceptionnels, l'examen n'apporte le plus souvent aucune certitude. La configuration de l'hymen est très variable, il existe des irrégularités de son bord libre pouvant être physiologique ou cicatricielle. La taille de l'orifice vaginal est très variable en fonction de nombreux facteurs, elle a été beaucoup étudiée, certaines publications donnant des normes apportant une certitude diagnostique, mais qui furent rapidement récusées. En fonction de la taille de l'orifice, de la morphologie de l'hymen et de sa consistance, il peut y avoir pénétration vaginale sans déchirure de l'hymen.

L'examen de l'anus peut retrouver des marques de violence, une pathologie de la muqueuse, une béance anale ou toute autre anomalie (hémorroïdes, condylomes, fissures Š), mais tous ces signes, s'ils peuvent être retrouvés après une pénétration anale, ont également de bien nombreuses autres causes.

Le médecin, dans la majorité des cas, décrit ce qu'il voit, dit si c'est compatible ou non avec une pénétration, sans pouvoir affirmer s'il y a eu ou non pénétration.

L'examen gynécologique et anal, dans la majorité des cas, est normal, ou n'apporte pas d'éléments spécifiques, ce qui n'enlève rien à sa valeur et ne permet pas d'éliminer une agression sexuelle.
L'examen médical, en outre, permet, de noter les répercutions de l'agression sur le corps de l'enfant, et d'évaluer l'urgence de soin médical, même si elle est rare, et de débuter un traitement.

4 ­ Dans quelle logique est-il demandé ? Et par qui ?

L'adolescente, qui va voir son médecin pour demander de l'aide et pour que « ça s'arrête », la mère qui amène sa fille pour savoir, le policier qui requière un médecin pour les besoins de l'enquête, ne sont pas du tout dans les mêmes logiques. Les deux logiques d'enquête et de soin, sont aussi nécessaires l'une que l'autre, mais l'une ne doit pas prendre le pas sur l'autre, c'est là toute la difficulté, concilier deux logiques, travailler ensemble dans l'intérêt des victimes.

Logique d'enquête : Le policier, le magistrat ont besoin de confronter parole de victime, parole d'auteur et preuves matérielles mais cette logique d'enquête ne doit pas occulter la logique de soin, « l'auteur a avoué, il n'est pas nécessaire de faire passer un examen médical à cet enfant » « certaines victimes ont été examinées, il y a assez d'éléments pour l'enquête, il n'est pas utile de les voir toutes »

Logique de soin : L'acte médical ne doit pas être associé à une seule recherche de preuves dans une logique d'enquête : la victime d'agressions sexuelles en fonction des cas, peut avoir besoin de soins chirurgicaux (déchirure), médicaux (prévention d'une MST, d'une infection à VIH, d'une grossesse) et psychologique. Seul l'examen pourra poser ces indications et enclencher le traitement. C'est seulement à un médecin, que parfois l'enfant fait part de ses craintes, par rapport à son intégrité physique, ce n'est, dans d'autres cas, que lorsque le médecin en premier évoque le sujet, que l'enfant évoque ses peurs, pouvant paraître irrationnelles à l'adulte (peur de grossesse chez une enfant impubère, peur du SIDA après des attouchements) même non justifiées, il est important d'en tenir compte, de donner des explications à l'enfant de le rassurer, C'EST THERAPEUTIQUE. Mais pris dans cette logique de soins, le médecin ne doit pas méconnaître le travail de la justice et de la police, il doit veiller à ne pas perdre les preuves, (conservation des vêtements, prélèvements avant toilette Š) et décrire objectivement tout ce qu'il voit.


B - CONDITIONS DE L'EXAMEN MEDICAL

1­ Quand le pratiquer ?

Tous les experts sont d'accord pour insister sur l'intérêt d'un examen réalisé précocement. Mais, si l'examen doit être pratiqué en urgence (12), quand il y a une urgence de soins, dans tous les autres cas, l'examen gynécologique peut être différé pour être moins traumatisant, réalisé quand l'enfant y est prêt, qu'on lui a expliqué « pourquoi et comment », ou par un spécialiste plus expérimenté. Quand l'examen n'est pas fait en urgence, l'enfant ne doit pas être lavé pour permettre les prélèvements si nécessaire, les vêtements qu'il portait au moment de l'agression doivent être conservés, tout ce qui est fait doit être consigné par écrit pour les transmissions. Lors d'une recherche clinique (1), en hospitalisation, nous avions privilégié de faire l'examen, le lendemain matin de l'arrivée, tôt après le réveil de l'enfant, ce moment nous étant apparu le plus favorable : l'enfant n'est pas interrompu dans une activité de jeux ou de soins, les adolescents sont généralement moins angoissés, ils sont de plus encore en tenue légère de nuit ce qui facilite l'examen.

2 ­ Comment le réaliser ?

Dans tous les cas, cet examen ne doit pas se résumer à un seul examen gynécologique, ou au constat des lésions traumatiques, mais toujours être un examen pédiatrique général : l'examen clinique comporte l'observation de la totalité du revêtement cutané de l'enfant nu, ce qui n'exclut pas de respecter la pudeur de l'enfant, en examinant zone par zone. Le médecin explique ce qu'il fait à l'enfant. Lorsque des lésions sont présentes, il lui demande de la façon la moins suggestive possible de lui raconter « comment c'est arrivé ? ». Au cours de l'examen, en fonction de l'âge de l'enfant, il parle avec lui, éventuellement de problèmes de prévention (soins dentaires, hygiène etcŠ) ou mime les gestes qu'il va faire, sur un ours ou une poupée. A l'issue de l'examen, s'il a constaté des lésions caractéristiques de violence, sans que l'enfant puisse en parler, il lui dit qu'il comprend qu'il ait du mal à s'exprimer sur ces lésions, mais que lui même ne les trouve pas normales, et qu'il va faire ce qui lui ait possible, pour éviter que de telles lésions ne se reproduisent. Selon l'âge de l'enfant, il explique éventuellement les conséquences, ainsi que les examens complémentaires qu'il va demander. Quand le médecin s'intéresse à la croissance de l'enfant, aux éventuelles pathologies associées, à leur retentissement et à leur traitement, l'enfant n'est plus réduit aux conséquences des mauvais traitements, le médecin n'est plus là pour constater s'il a menti ou non lors de ces révélations, mais pour prendre en considération son corps dans sa globalité, sa santé en général.

3 ­ Faut-il faire une anesthésie générale ?

Certains préconisent une anesthésie générale pour faire l'examen médical, soit parce qu'ils pensent que cet examen sera ainsi moins traumatisant pour l'enfant, soit parce que cet examen est exigé et que l'enfant le refuse ou n'est pas coopérant. En dehors des cas où la réparation des lésions physiques impose cette anesthésie, et où il peut être souhaitable de profiter du relâchement de l'enfant douloureux pour l'examiner complètement, tous les experts sont d'accord, pour NE PAS FAIRE D'ANESTHESIE GENERALE Je la considère comme assimilable à un nouvel abus de pouvoir, sur un enfant qui s'oppose, et par ailleurs à éviter, car jamais dénuée de risque. Le comité consultatif français d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé consulté à ce sujet a répondu « qu'on ne peut se poser la question de la possibilité d'effectuer des examens sous anesthésie générale, ceci pour répondre à la logique judiciaire qui a besoin d'un maximum d'éléments pour juger, sans prendre en compte l'intérêt de l'enfant. Même si l'examen est utile à l'enfant, on ne peut aller contre son refus et l'anesthésie ne peut en aucun cas permettre ce que l'enfant refuse».


4 ­ Comment éviter la répétition des examens ?

Beaucoup d'enfants victimes et de professionnels de l'enfance se plaignent des examens répétés. Tout médecin réalisant un examen médical dans le cadre d'une agression sexuelle sur enfant doit noter toutes ses constatations, s'aider au besoin de schémas éventuellement de photos, la date et l'heure de l'examen doivent être notées ainsi que la taille, le poids de l'enfant, toutes les lésions retrouvées à l'examen général sont décrites, la position dans laquelle est réalisée l'examen anal doit être également notée (position gynécologique ou génupectorale) la position des lésions est précisée sur un schéma quadrant horaire, les prélèvements doivent être réalisés dans de bonnes conditions. En France, un guide (13) rédigé à l'initiative du Ministère, est à la disposition de tous les médecins. En Angleterre, il n'est pas rare de voir l'examen pratiqué par un spécialiste, en présence d'un autre spécialiste employé par l'accusé pour vérifier le résultat. Certains experts proposent que la présence de deux médecins puisse éviter des examens répétés.

5 - Quel examen ?

Pas un examen gynécologique seul, encore trop souvent demandé, et mieux qu'un examen médical global, il paraît souhaitable à beaucoup d'experts, que les enfants victimes puissent bénéficier, d'une évaluation médico-psycho-sociale pluridisciplinaire. L'approche pluridisciplinaire (5) permettant dans beaucoup de cas de retrouver des éléments que seul l'examen médical ne peut donner, dans l'intérêt de l'enquête de justice, et surtout dans l'intérêt de l'enfant. Dans un travail de recherche (1), chez des enfants maltraités victimes de toutes formes cliniques de mauvais traitements, l'utilisation d'une évaluation pluridisciplinaire avait permis d'être capable de répondre à la question : Existe-t-il une maltraitance chez cet enfant ? dans 87 % des cas alors que chaque approche isolée ne permettait pas ce taux de réponse.


EN CONCLUSION, il paraît possible de dire que l'examen médical peut apporter des éléments importants, difficilement prédictibles avant sa réalisation, et qu'il paraît donc utile de le réaliser. Que les critiques qui lui sont faites, sont plus en lien, avec les conditions dans lesquelles il est réalisé, plutôt qu'à lui même. C'est pourquoi, nous proposons, s'il est toujours demandé, qu'il soit réalisé :

- le plus précocement possible mais en dehors de la précipitation
- après explication et accord de l'enfant
- jamais sous anesthésie générale sauf si celle-ci est nécessaire par ailleurs
- par deux spécialistes si nécessaire afin qu'il ne soit
- décrit complètement et documenté par des schémas pas répété
et éventuellement des photos
- sous forme d'un examen général global (et pas seulement gynécologique)
- que ses conclusions soient analysées au même titre que les autres éléments, et pas opposées à la parole de l'enfant
- qu'il soit un élément d'une évaluation pluridisciplinaire médico psycho sociale obligatoire

IV- LES EXAMENS PARA CLINIQUES : (13)

L'accueil en urgence d'un enfant victime d'une agression sexuelle suscite une intense émotion et est toujours pour les soignants un moment difficile. Afin d'être plus disponible à la souffrance de l'enfant (et aussi des personnes qui l'accompagnent) plus à l'écoute de ses parents, mieux vaut savoir quels tubes utiliser pour les prélèvements, connaître leur circuit, ne pas chercher longuement le matériel ou les médicaments éventuellement nécessaires.

Pour cela le Pôle de Référence Régional (Nord- Pas de Calais)Hospitalier d'Accueil des Victimes d'Agressions Sexuelles et Enfant Maltraités à mis en place un kit d'accueil (en annexe) regroupant :
- des conseils
- du petit matériel de première nécessité
- des spécimens des différents tubes, bons de renseignements pour les laboratoires, en précisant leur lieu de stockage et le circuit des prélèvements
- des échantillons et indications des lieux de stockage des médicaments
- des informations aidantes pour l'enfant et la famille

Par ailleurs un groupe d'experts a rédigé un guide (13)« le praticien face aux violences sexuelles » à l'initiative du Ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Ce guide recommande de réaliser les prélèvements suivants :

En cas d'agression récente les prélèvements sont réalisés
- dans un but médico-légal pour recherche des spermatozoïdes et permettre une identification génétique de l'agresseur.
- dans un but médical pour évaluer l'état de santé initial de la victime, bilan de référence.

Prélèvements médico-légaux en cas d'agression récente :

Les prélèvements réalisés pour les analyses à visée génétique sont guidés selon le contexte de l'agression (déclarations de la victime et constatations cliniques).

Tous les prélèvements doivent être
- réalisés avec des gants
- identifiés (site du prélèvement) et numérotés dans l'ordre de réalisation
- étiquetés rigoureusement : nom de la victime, siège, date et heure du prélèvement
- répertoriés dans le certificat médical initial et le dossier clinique de la victime (nombre et sites de prélèvements)
- saisis et scellés par les enquêteurs.

Recherche de spermatozoïdes

Dans certains centres où un biologiste de proximité est disponible, cette recherche est effectuable rapidement. Le résultat de cette recherche peut alors être mentionnée dans le certificat médical initial.
Prélèvement sur pipette et étalement sur lame puis fixation à la laque (ou écouvillon sec) selon les recommandations du biologiste référent qui effectue la coloration et la lecture.

Prélèvements en vue d'analyse génétique

Ces prélèvements ont pour but de recueillir des cellules provenant du ou des agresseurs pour établir leurs empreintes génétiques et le comparer à celles de la victime. Ils sont acheminés par les enquêteurs au laboratoire spécialisé de biologie moléculaire qui est saisi par le magistrat.
a) prélèvements de sperme pour identification sur spermatozoïdes.
Conditions :
- le plus tôt possible après l'agression
- sans toilette préalable
- avec un spéculum ou un anuscope non lubrifié
- écouvillons de coton sec (type écouvillon pour bactériologie)
- séchage indispensable 30- 60 minutes à l'air libre après leur réalisation, avant de les replacer dans le tube protecteur
- au mieux congélation à ­18° à défaut conservation à 4°C possible pendant 48 heures.

Sites des prélèvements : 4 prélèvements par site. Le choix des sites de prélèvements est orienté selon les déclarations de la victime
- vulve et périnée
- vagin (cul de sac vaginal postérieur, parois vaginales), de l'exocol, et de l'endocol
- anus
- bouche sous la langue, derrière les incisives et les amygdales
- peau (compresse humidifiée (1cm_) pour essuyer la zone tachée, sécher).
Selon le site, le délai écoulé depuis l'agression au delà duquel il devient illusoire de retrouver des spermatozoïdes est variable.
Limites des délais de réalisation des prélèvements en fonction des sites
Vagin 72 à 96 heures
Anus 72 heures
Bouche 48 heures
Peau 24 heures

b) prélèvements de poils ou de cheveux découverts sur la victime ou ses vêtements :
- si possible avec le bulbe
- conserver dans une enveloppe en papier kraft à température ambiante
- pas de délai

c) en cas de morsure de la victime par l'agresseur
- avant toute toilette et désinfection
- écouvillonnage pour prélèvement de salive
- délai de 24 heures
- 1 écouvillon humidifié (sérum physiologique)puis 1 écouvillon sec par zone de morsure
- faire sécher avant de replacer dans le tube protecteur
- conservation à température ambiante

d) en cas de griffure par la victime sur l'agresseur
- prélèvements en raclant sous les ongles de la victime ou en coupant les ongles
- prélèvement sous chaque doigt, en identifiant chaque main
- compresse humidifiée (sérum physiologique) montée sur un bâtonnet ou sur une cytobrosse
- faire sécher
- conserver dans une enveloppe en papier kraft à température ambiante

e) les vêtements tachés (salive, sang, sperme) ainsi que tout support inerte (textile, mouchoir papier, préservatifŠ)portés lors des faits doivent être conservés dans du papier kraft et remis aux enquêteurs
- faire sécher à l'air ambiant si besoin
- enveloppe de papier kraft
- conservation à température ambiante
- pas de limite de délai pour réaliser les analyses sur les supports inertes. Longtemps après l'agression ces supports peuvent servir de preuve médico-légale en raison de la conservation indéfinie des spermatozoïdes à l'air libre

f) identification de la victime
- sur sang de la victime : prélever 2 x 4,5 ml de sang sur tube EDTA, conservation à 4°C
- sur grattage intra-buccal : si refus de la prise de sang, si enfant en bas age ou si transfusé récemment. 4 prélèvements sur cytobrosse à la face interne de chaque joue (2 de chaque coté) (une main à plat sur la joue, avec l'autre on frotte la cytobrosse en la tournant une dizaine de fois pour racler le revêtement muqueux), faire sécher avant de replacer la brosse dans l'emballage d'origine, conservation à température ambiante.

Recherche d'une éventuelle grossesse

Au moindre doute, dosage plasmatique ou urinaire des béta-HCG

Recherche de maladies sexuellement transmissibles

1) prélèvements locaux
les prélèvements sont guidés par le contexte. Les échantillons sont acheminés vers le ou les laboratoires correspondants.
Comment prélever :
Site de prélèvement Germes recherchés Matériel
COL/VAGIN Standard
Gonocoque
Chlamydia Trachomatis 2 écouvillons secs
1 écouvillon + milieu stuart
milieu Chlamydia
URETRE Gonocoque
Chlamydia Trachomatis 1 écouvillon + milieu stuart
milieu Chlamydia
URINE Standard
Chlamydia T par PCR ECBU
1er jet d'urines
ANUS Gonocoque 1 écouvillon + milieu stuart
GORGE Standard
Gonocoque
Chlamydia Trachomatis 2 écouvillons secs
1 écouvillon + milieu stuart
gargarisme au sérum phy
+ milieu Chlamydia

Conservation
Germe recherché Après prélèvement
Standard Température ambiante
Gonocoque Température ambiante
Chlamydia Réfrigérateur à 4°C

En cas de signe d'appel faire des prélèvements spécifiques (Herpès..)
En cas de pénétration vaginale, en raison des conséquences gynécologiques potentielles et de la possible latence de ces MST, il paraît indispensable de réaliser au minimum les prélèvements suivants :
- examen standard et recherche de gonocoques au niveau du col utérin
- recherche de chlamydia au niveau cervical et urétral (par PCR sur les urines)

2) bilan sérologique et biologique
a) bilan sérologique initial recommandé :
- VIH 1 et 2
- VDRL, TPHA
- HTLV
- Hépatite B : Ag HBs, Ac anti HBc, Ac anti HBs
- Hépatite C
- Chlamydia, Herpès
Commentaires
- hépatite B : nous recommandons de réaliser la recherche des 3 marqueurs sauf en cas de certitude de vaccination complète, en raison de la méconnaissance fréquente des victimes à ce sujet
- Chlamydia, Herpès : ces sérologies n'auront de valeur qu'en cas de séroconversion à un mois.
b) suivi biologique et sérologique ultérieur : calendrier recommandé en cas d'agression sexuelle récente :
bilan à un mois après l'agression
- sérologies VIH 1 et 2, avec éventuellement charge virale VIH 1 en cas de doute clinique sur une primo infection à VIH
- en cas de traitement antirétroviral, contrôle de la sérologie VIH un mois après l'arrêt du traitement, soit deux mois après l'agression si la victime a pris son traitement pendant un mois.
- Ag HBs, Ac anti-HBc : inutile si Ac anti HBs positif sur le bilan initial
- Hépatite C
- Transaminases
- Chlamydia, Herpès, si les sérologies initiales sont positives
Bilan à 3 mois après l'agression
- sérologies VIH 1 et 2
- en cas de traitement antirétroviral : contrôle de la sérologie VIH trois mois après l'arrêt du traitement soit quatre mois après l'agression si la victime a pris son traitement pendant un mois
- HTLV
- VDRL-TPHA
- Ag HBs, Ac anti HBc : inutile si Ac anti HBs positif sur le bilan initial
- Hépatite C
- Transaminases
Bilan à 6 mois après l'agression
- sérologies VIH 1 et 2
- hépatite C
- transaminases
c) adaptation du bilan en fonction du délai écoulé depuis l'agression :
En cas d'agression récente :
- bilan sérologique initial
- contrôle du bilan sérologique et des transaminases à 1 mois, 3 mois, 6 mois et 12 mois
en cas d'agression ancienne de moins de 1 an
- bilan sérologique initial
- contrôle sérologique adapté en fonction du délai écoulé depuis l'agression
en cas d'agression ancienne de plus de 1 an
- bilan initial unique

Bilan pré-thérapeutique

En cas de mise en route en urgence d'un traitement antirétroviral, un bilan sanguin préthérapeutique est effectué selon la prescription du médecin référent des accidents d'exposition au risque de transmission du VIH

Bilan sanguin habituellement recommandé :
- NFS, plaquettes
- Ionogramme, créatinine
- Bilan hépatique : transaminases, Gamma-GT, bilirubine totale, phosphatases alcalines
- Amylase, lipase

Recherche de toxique

But : identifier une soumission médicamenteuse ou toxique en cas d'agression récente

1) indications
- signes d'appels : confusion, amnésie, ivresse, hallucinations, hébétude, malaiseŠ.
Signes neurovégétatifs : hypotonie, hypotension, bradycardieŠ.
- Déclarations de la victime alléguant une intoxication volontaire ou non (alcool, toxiques, médicamentsŠ)

2) moyens
sang
- un tube sec pour recherche standard de psychotropes : antidépresseur tricycliques, barbituriques, benzodiazépines
- un tube sec supplémentaire pour autre recherches sur indication particulière
- un tube pour alcoolémie
Urines
- un flacon à ECBU de 30 ml pour recherche de psychotropes : antidépresseurs tricycliques, barbituriques, benzodiazépines, carbamates, phénothiazines
- un flacon supplémentaire de 30 ml pour autres recherches sur indication particulière : cannabis, amphétamine, cocaïne, méthadone, éthanol, opiacés, ecstasy, autresŠ.
Produits de vomissements ou liquide gastrique
Si possible recueillir le maximum de produit dans un pot en plastique
- un flacon pour recherche standard : antidépresseurs tricycliques, benzodiazépines, barbituriques, carbamates, phénothiazines
- un flacon supplémentaire pour autres recherches sur indication particulière.

3) acheminement au laboratoire de toxicologie
Toujours accompagner les échantillons d'une fiche de renseignements cliniques adressée en même temps au laboratoire de toxicologie.
Prendre éventuellement contact avec le laboratoire pour expliquer le contexte (clinique et/ou médico-légal) afin de cibler au mieux les investigations.
Dans le cadre d'une réquisition
- le préciser sur la fiche de renseignements cliniques pour que les prélèvements non utilisés soient réservés
- faire les prélèvements en double pour une éventuelle contre-expertise
- faire mettre les scellés par les autorités requérantes
délai d'acheminement :
- en cas d'urgence médicale : acheminer sans délai au laboratoire
- sinon en l'absence d'urgence médicale : conservation possible au réfrigérateur à 4°C pendant 48 heures sinon congélation (sang, urines, liquide gastrique).


TRAITER

Dès l'accueil, pendant l'entretien, pendant toutes les phases de l'évaluation pluridisciplinaire, les examinateurs vont aborder avec l'enfant sa souffrance, aborder le traumatisme psychologique.

A l'issu de l'examen médical, le médecin peut prescrire un traitement (13) :

- curatif : désinfection des plaies, antalgiques, traitement d'une intoxicationŠ..

- Prophylactique :
- Prévention d'une grossesse : en cas de rapport vaginal, mais aussi anal ou vulvaire (migration possible des spermatozoïdes) chez une adolescente en période d'activité génitale, sans contraception efficace, il convient de prévenir la survenue d'une éventuelle grossesse.
On fait préciser la date des dernière règles, le délai écoulé depuis l'agression.
En cas de délai de moins de 72 heures, il faut prescrire une contraception d'urgence (pilule du lendemain) :
- soit oestroprogestative : TETRAGYNON ® (2 comprimés à renouveler 12 heures après) ; contre indiqué en cas d'antécédents thromboemboliques. Prévenir la patiente de possibles nausées ou vomissements fréquents.
- Soit progestative pure : NORLEVO ® (1 comprimé à renouveler 12 à 24 heures après).

Ces deux méthodes sont rendues inefficaces en cas de traitement par anticonvulsivants enzymatiques RITONAVIR® (NORVIR® )


- prévention du Tétanos
- prévention des maladies sexuellement transmissibles bactériennes
- prévention du VIH
- prévention des hépatites

Lors de la restitution à l'enfant des conclusions de cette évaluation et des conséquences, qui vont en découler, l'examinateur va expliquer, à l'enfant, ce qui va être mis en place pour sa protection, pour sa prise en charge, et aussi le déroulement de l'enquête et de la phase judiciaire. Le médecin et tous les membres de l'équipe pluridisciplinaire apportent un soutien psychologique.


CONCLUSION

Une prise en charge, d'une maltraitance sexuelle récente, par les professionnels dès l'accueil et pendant toutes les phases de l'évaluation, réalisée dans de bonnes conditions, doit permettre de ne pas rajouter de souffrances supplémentaires, dans ce moment déjà tellement douloureux de la révélation, d'aider l'enfant à reprendre confiance dans les adultes et à ce qu'ils mettent en place pour lui.
Ce doit être enfin un moment charnière où les soignants vont accompagner l'enfant victime pour qu'il puisse redevenir un ENFANT.

Références bibliographiques :
1 L' hôpital face à l'enfance maltraitée ­ une passerelle entre coups et réparations ­ Françoise HOCHART et Annick ROUSSEL ­ Kartala 1997

2 Séminaire Paris 2000 et Turin 2002 experts européens (actes non encore publiés) Fondation pour l'Enfance . Réseau Européen d'experts sur les interventions judiciaires, sociales et thérapeutiques auprès des enfants victimes d'agressions sexuelles.

3 Agressions sexuelles. Victimes et auteurs.
Mémoire du Temps sous la direction d'E. Archer. L'Harmattan 1998
Réflexions groupe de travail justice santé pour meilleure prise en charge de la maltraitance.

4 Girodet D., Lavaud D. Conduite à tenir en urgence devant un enfant maltraité : l'hospitalisation doit toujours être proposée même en l'absence de gravité clinique. La Revue du Praticien ­ Médecine Générale, n°90, mars, 1990, p 59-70

5 Hochart-Gille Françoise. Prise en charge de la maltraitance à l'hôpital par une Equipe Spécialisée Pluridisciplinaire pour l'Enfance en Danger (ESPED)
Les Cahiers de l'ANPASE, n° 3-4, 1996, p23-35

6 Ministère des Affaires Sociales et de la Solidarité Nationale. L'enfant maltraité et l'hôpital : journée nationale d'information du 3 juin 1985. Actes de la journée.

7 Enfance en Danger. Manciaux M., Gabel M. Fleurus

8 APACHE. Enfants à l'hôpital ? suivez le guideŠl'accueil dans les services d'enfants Paris : Gallimard, 1992

9 Atteintes sexuelles sur enfants mineurs. Propos de cliniciens et juristes engagés dans leur pratique auprès de ces enfants. API, association des psychiatres du secteur infanto-juvénile - Passage Piétons édition 2001

10 Ecouter l'enfant et respecter la présomption d'innocence
Actes du colloque national 2002. Fédération des autonomes solidaires. Union solidarité universitaire

11 Allégations d'abus sexuels, parole d'enfants, parole d'adultes. Manciaux M., Girodet D., Fleurus 1999

12 Urgences 2002 - Société francophone d'urgence médicale (SFUM) ­ SAMU France ­ Arnette 2002

13 Le Praticien face aux violences sexuelles - ­ Ministère de l'emploi et de la solidarité ­ secrétariat d'état à la santé et aux handicapés ­ France. Deuxième édition mai 2002, disponible sur le site www.sante.gouv.fr

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Dernière mise à jour : vendredi 28 novembre 2003

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