3. PRÉLÈVEMENTS À RÉALISER

En cas d’agression récente, les prélèvements sont réalisés :

- dans un but médico-légal pour rechercher des spermatozoïdes et permettre une identification génétique de l’agresseur.
- dans un but médical pour évaluer l’état de santé initial de la victime, bilan de référence.

En cas d’agression ancienne, les prélèvements sont réalisés :

- dans un but médical pour dépister au plus tôt les complications (grossesse, MST).

PRÉLÈVEMENTS MÉDICO-LÉGAUX EN CAS D’AGRESSION RÉCENTE

Les prélèvements réalisés pour les analyses à visée génétique sont guidés selon le contexte de l’agression (déclarations de la victime et constatations cliniques).

Tous les prélèvements doivent être :
- RÉALISÉS avec des GANTS.
- IDENTIFIÉS (site de prélèvement) et NUMÉROTÉS dans l’ordre de réalisation.
- ÉTIQUETÉS rigoureusement : nom de la victime, siège, date et heure du prélèvement.
- RÉPERTORIÉS dans le certificat médical initial et le dossier clinique de la victime (nombre et sites de prélèvements).
- SAISIS et SCELLÉS par les enquêteurs.

RECHERCHE DE SPERMATOZOIDES

Dans certains centres où un biologiste de proximité est disponible, cette recherche est effectuable rapidement. Le résultat de cette recherche peut alors être mentionné dans le certificat médical initial.

Prélèvement sur pipette et étalement sur lame puis fixation à la laque (ou écouvillon sec) selon les recommandations du biologiste référent qui effectue la coloration et la lecture.

PRÉLÈVEMENTS EN VUE D’ANALYSES GÉNÉTIQUES

Ces prélèvements ont pour but de recueillir des cellules provenant du ou des agresseurs pour établir leurs empreintes génétiques et les comparer à celles de la victime.
Ils sont acheminés par les enquêteurs au laboratoire spécialisé de biologie moléculaire qui est saisi par le magistrat.

a) Prélèvement de sperme pour identification sur spermatozoïdes

CONDITIONS :

- le plus tôt possible après l’agression,
- sans toilette préalable,
- avec un spéculum ou un anuscope non lubrifié,
- écouvillons de coton sec (type écouvillon pour bactériologie),
- séchage indispensable 30 à 60 minutes à l’air libre après leur réalisation, avant de les replacer dans leur tube protecteur,
- au mieux congélation à - 18- C, à défaut conservation à 4- C possible pendant 48 h.

SITES des prélèvements : 4 prélèvements par site.

Le choix des sites de prélèvements est orienté selon les déclarations de la victime :
- vulve et périnée,
- vagin (cul-de-sac vaginal postérieur, parois vaginales), de l’exocol et de l’endocol,
- anus,
- bouche sous la langue, derrière les incisives et les amygdales,
- peau [compresse humidifiée (1 cm2) pour essuyer la zone tachée, sécher].

Selon le site, le délai écoulé depuis l’agression au-delà duquel il devient illusoire de retrouver des spermatozoïdes est variable.

LIMITES DES DÉLAIS DE RÉALISATION DES PRÉLÈVEMENTS

EN FONCTION DES SITES


Vagin : 72 à 96 heures

Anus : 72 heures

Bouche : 48 heures

Peau : 24 heures

b) Prélèvements de poils ou de cheveux découverts sur la victime ou ses vêtements

- Si possible avec le bulbe
- Conserver dans une enveloppe en papier kraft à température ambiante
- Pas de délai

c) En cas de morsure de la victime par l’agresseur

- Avant toute toilette et désinfection
- Ecouvillonage pour prélèvement de salive
- Délai de 24 heures
- 1 écouvillon humidifié (sérum physiologique) puis 1 écouvillon sec par zone de morsure
- Faire sécher avant de replacer dans le tube protecteur
- Conservation à température ambiante

d) En cas de griffure par la victime sur l’agresseur

- Prélèvements en raclant sous les ongles de la victime ou en coupant les ongles
- Prélèvement sous chaque doigt, en identifiant chaque main
- Compresse humidifiée (sérum physiologique) montée sur un bâtonnet ou sur une cytobrosse
- Faire sécher
- Conserver dans une enveloppe en papier kraft à température ambiante

e) LES VÊTEMENTS TACHÉS (salive, sang, sperme), AINSI QUE TOUT SUPPORT INERTE (textile, mouchoir papier, préservatif...) PORTÉS LORS DES FAITS DOIVENT ÊETRE CONSERVÉS DANS DU PAPIER KRAFT ET REMIS AUX ENQUETEURS.

- Faire sécher à l’air ambiant si besoin
- Enveloppe de papier kraft
- Conservation à température ambiante
- Pas de limite de délai pour réaliser les analyses sur les supports inertes.
Longtemps après l’agression, ces supports peuvent servir de preuve médico-légale en raison de la conservation indéfinie des spermatozoïdes à l’air libre.

f) Identification de la victime

- Sur sang de la victime
- Prélever 2 x 4,5 ml de sang sur tube EDTA
- Conservation à 4°C

- Sur grattage intra-buccal
- Si refus de la prise de sang, si enfant en bas âge ou si transfusé récent
- 4 prélèvements sur cytobrosse, à la face interne de chaque joue (2 de chaque côté) (une main à plat sur la joue, avec l’autre on frotte la cytobrosse en la tournant une dizaine de fois pour racler le revêtement muqueux)
- Faire sécher avant de replacer la brosse dans l’emballage d’origine
- Conservation à température ambiante

RECHERCHE D’UNE ÉVENTUELLE GROSSESSE


Au moindre doute, dosage plasmatique ou urinaire des béta-HCG.

RECHERCHE DE MALADIES SEXUELLEMENT TRANSMISSIBLES

1. Prélèvements locaux

Les prélèvements sont guidés par le contexte. Les échantillons sont acheminés vers le
ou les laboratoires correspondants.

COMMENT PRÉLEVER :

Site de prélèvement Germes recherchés Matériel
COL/VAGIN Standard
Gonocoque
Chlamydia Trachomatis
2 écouvillons secs
1 écouvillon + milieu stuart
milieu Chlamydia
URÈTRE Gonocoque
Chlamydia Trachomatis
1 écouvillon + milieu stuart
milieu Chlamydia
URINE Standard
Chlamydia T par PCR
ECBU
1er jet d’urines
ANUS Gonocoque 1 écouvillon + milieu stuart
GORGE Standard
Gonocoque
Chlamydia Trachomatis
2 écouvillons secs
1 écouvillon + milieu stuart
Gargarisme au sérum phy
+ milieu chlamydia

CONSERVATION :

Germe recherché Après prélèvement
Standard Température ambiante
Gonocoque Température ambiante
Chlamydia Réfrigérateur à 4- C


En cas de signe d’appel, faire des prélèvements spécifiques (Herpès...).

En cas de pénétration vaginale, en raison des conséquences gynécologiques potentielles et de la possible latence de ces MST, il paraît indispensable de réaliser au minimum les prélèvements suivant :

- Examen standard et recherche de gonocoques au niveau du col utérin
- Recherche de chlamydia au niveau cervical et urétral (par PCR sur les urines).

2 Bilan sérologique et biologique

a) Bilan sérologique initial recommandé :

- VIH 1 et 2
- VDRL, TPHA
- HTLV
- Hépatite B : Ag HBs, Ac anti-HBc, Ac anti HBs
- Hépatite C
- Chlamydia, Herpès.
Commentaires :
- Hépatite B : nous recommandons de réaliser la recherche des 3 marqueurs sauf en cas de certitude de vaccination complète, en raison de la méconnaissance fréquente des victimes à ce sujet.
- Chlamydia, Herpès : ces sérologies n’auront de valeur qu’en cas de séroconversion à un mois.

b) Suivi biologique et sérologique ultérieur : calendrier recommandé
;
en cas d’agression sexuelle récente :

Bilan à 1 mois après l’agression :

- Sérologies VIH 1 et 2, avec éventuellement charge virale VIH 1 en cas de doute clinique sur une primo-infection à VIH (cf chapitre suivi médical ultérieur)
- En cas de traitement antirétroviral : contrôle de la sérologie VIH un mois après l’arrêt du traitement, soit deux mois après l'agression si la victime a pris son traitement pendant un mois.
- Ag HBs, Ac anti-HBc : inutile si Ac anti-HBs positif sur le bilan initial
- Hépatite C
- Transaminases
- Chlamydia, Herpès, si les sérologies initiales sont positives.

Bilan à 3 mois après l’agression :

- Sérologies VIH 1et 2
- En cas de traitement antirétroviral : contrôle de la sérologie VIH trois mois après l’arrêt du traitement, soit quatre mois après l'agression si la victime a pris son traitement pendant un mois
- HTLV
- VDRL-TPHA
- Ag HBs, Ac anti-HBc : inutile si Ac anti-HBs positif sur le bilan initial
- Hépatite C
- Transaminases.

Bilan à 6 mois après l’agression :

- Sérologies VIH 1et 2
- Hépatite C
- Transaminases.

c) Adaptation du bilan en fonction du délai écoulé depuis l’agression :

En cas d’agression récente :

- Bilan sérologique initial
- Contrôle du bilan sérologique et des transaminases à 1 mois, 3 mois, 6 mois et 12 mois.

En cas d’agression ancienne de moins de 1 an :

- Bilan sérologique initial
- Contrôle sérologique adapté en fonction du délai écoulé depuis l’agression.

En cas d’agression ancienne de plus de 1 an :

- Bilan sérologique initial unique.

BILAN PRÉ-THÉRAPEUTIQUE

En cas de mise en route en urgence d’un traitement antirétroviral, un bilan sanguin préthérapeutique est effectué selon la prescription du médecin référent des accidents d’exposition au risque de transmission du VIH.

Bilan sanguin habituellement recommandé :
- NFS, plaquettes
- Ionogramme, créatinine
- Bilan hépatique : transaminases, gamma-GT, bilirubine totale, phosphatases alcalines
- Amylase, lipase.

RECHERCHE DE TOXIQUES

But : Identifier une soumission médicamenteuse ou toxique en cas d’agression récente.

1. Indications

- Signes d’appels : Confusion, amnésie, ivresse, hallucinations, hébétude, malaise...

Signes neurovégétatifs : hypotonie, hypotension, bradycardie...

- Déclarations de la victime alléguant une intoxication volontaire ou non (alcool, toxiques, médicaments...).

2. Moyens

Sang :

- 1 tube sec pour recherche standard de psychotropes : Antidépresseurs tricycliques, Barbituriques, Benzodiazépines
- 1 tube sec supplémentaire pour autres recherches sur indication particulière.
- 1 tube pour alcoolémie.

Urines :

- 1 flacon à ECBU de 30 ml pour recherche de psychotropes : Antidépresseurs tricycliques, Barbituriques, Benzodiazépines, Carbamates, Phénothiazines
- 1 flacon supplémentaire de 30 ml pour autres recherches sur indication particulière : Cannabis, Amphétamine, Cocaïne, Méthadone, Ethanol, Opiacés, Ectasy, autres...

Produits de vomissements ou liquide gastrique :

Si possible, recueillir le maximum de produit dans un pot en plastique.
- 1 flacon pour recherche standard : Antidépresseurs tricycliques, Benzodiazépines, Barbituriques, Carbamates, Phénothiazines.
- 1 flacon supplémentaire pour autres recherches sur indication particulière.

3 Acheminement au laboratoire de toxicologie

Toujours accompagner les échantillons d’une fiche de renseignements cliniques adressée en même temps au laboratoire de toxicologie.

Prendre éventuellement contact avec le laboratoire pour expliquer le contexte (clinique et/ou médico-légal) afin de cibler au mieux les investigations.

Dans le cadre d'une réquisition :

- le préciser sur la fiche de renseignements cliniques pour que les prélèvements non utilisés soient réservés.

- faire les prélèvements en double pour une éventuelle contre-expertise.

- faire mettre les scellés par les autorités requérantes.

Délai d’acheminement :

- En cas d’urgence médicale : acheminer sans délai au laboratoire.

- Sinon, en l’absence d’urgence médicale : conservation possible au réfrigérateur à 4- C pendant 48 h, sinon congélation (Sang, Urines, Liquide gastrique).


Dernière mise à jour : mercredi 24 octobre 2001 9:15:36
Dr Jean-Michel Thurin