STRESS ET IMMUNITÉ De la physiologie (intégrée) à la pathologie. Nouvelles voies de recherche

Stress et dermatoses allergiques, inflammatoires et autoimmunes

F. Berard

(Inserm U 503, Immunologie Clinique et Allergologie, CHU Lyon-Sud Lyon)


Le stress est identifié depuis longtemps comme un facteur aggravant de la plupart des maladies inflammatoires cutanées [1], comme le psoriasis, l'eczéma [2-4], le vitiligo et la pelade (maladies cutanées fréquentes, couvrant au total environ 20% de la population générale). Les mécanismes par lesquels le stress peut provoquer des poussées au cours de ces maladies - dont nous présentons les principales caractéristiques illustrées par une iconographie clinique - restent mystérieux dans la plupart des cas, même si plusieurs travaux in vitro et chez l'animal montrent que des hormones / neuromédiateurs dont la sécrétion est associée au stress peuvent modifier la nature de la réponse immunitaire [5, 6].

Nos travaux sur l'effet du stress sur la réponse immunitaire reposent sur un modèle murin d'eczéma, encore appelé hypersensibilité retardée de contact. Des souris C57/B6 sont sensibilisées par application cutanée d'une dose optimale d'un haptène (DNFB) sur la peau du ventre et 5 jours plus tard le même haptène est appliqué sur l'oreille. Les animaux développent alors un eczéma de contact qui est objectivé par une augmentation de l'épaisseur de l'oreille qui est maximale à 24/48 heures et se résout en 5 à 7 jours. La réponse est due à l'activation de lymphocytes T CD8+ spécifiques de DNFB, et est régulée négativement par des cellules T CD4+ [7, 8]. Si au lieu d'utiliser une dose optimale de DNFB, on utilise une dose sub-optimale, il n'y a pas d'eczéma. C'est dans ces conditions de "tolérance au DNFB" que l'effet d'un stress psychologique est le plus démonstratif. En effet, l'exposition de l'animal tolérant à un stress psychologique au moment de l'immunisation à dose sub-optimale de DNFB rétablit la réponse d'eczéma de contact, dont l'intensité devient alors comparable à celle développée par des animaux sensibilisés à doses optimale et non-tolérants. Ainsi le stress a permis de rompre la tolérance aux haptènes. Les voies biologiques par lesquelles passent l'effet du stress (augmentation de l'immunisation, blocage de la régulation) ainsi que les molécules produites lors du stress et responsables de l'effet de rupture de tolérance sont en cours d'identification et sont discutées.

1. Gupta, M.A., Psychosocial aspects of common skin diseases. Can Fam Physician, 2002. 48: p. 660-2, 668-70.
2. Krasteva, M., et al., Contact dermatitis II. Clinical aspects and diagnosis. Eur J Dermatol, 1999. 9(2): p. 144-59.
3. Krasteva, M., et al., Contact dermatitis I. Pathophysiology of contact sensitivity. Eur J Dermatol, 1999. 9(1): p. 65-77.
4. Krasteva, M., et al., [Physiopathology of atopic dermatitis]. Ann Dermatol Venereol, 1998. 125(11): p. 785-9.
5. Buske-Kirschbaum, A., A. Geiben, and D. Hellhammer, Psychobiological aspects of atopic dermatitis: an overview. Psychother Psychosom, 2001. 70(1): p. 6-16.
6. Raison, C.L. and A.H. Miller, The neuroimmunology of stress and depression. Semin Clin Neuropsychiatry, 2001. 6(4): p. 277-94.
7. Krasteva, M., et al., Dual role of dendritic cells in the induction and down-regulation of antigen-specific cutaneous inflammation. J Immunol, 1998. 160(3): p. 1181-90.
8. Kehren, J., et al., Cytotoxicity is mandatory for CD8(+) T cell-mediated contact hypersensitivity. J Exp Med, 1999. 189(5): p. 779-86.


Dernière mise à jour : jeudi 5 décembre 2002 15:48:35

Dr Jean-Michel Thurin