Classification Française des Troubles Mentaux de l'Enfant et de l'Adolescent - CFTMEA R-2000


AXE I bébé (0 à 3 ans)
compléments de l'axe I général



Généralités

Un certain nombre de situations psychopathologiques concernant le très jeune enfant sont déjà répertoriées et donc classables au sein des différents chapitres de la classification générale, mais les développements récents de la psychiatrie du bébé rendent nécessaire la création d'une section spécifique pour les troubles du très jeune enfant (0 à 3 ans).

Il s'agit en effet de permettre au clinicien un repérage clinique plus facile et plus congruent compte tenu de l'évolution des connaissances dans ce champ et de rendre possible le classement d'un certain nombre de situations qui ne trouvent pas leur place au sein de l'axe général.


La psychiatrie du bébé et la psychopathologie précoce ont ceci de particulier qu'elles imposent de centrer le regard sémiologique simultanément sur le bébé lui-même mais aussi sur la nature du lien entre le bébé et l'adulte qui dispense les soins et enfin sur l'adulte de référence (c'est-à-dire sur l'environnement relationnel de l'enfant).
Alors que la clinique du bébé et du lien nécessite une codification spécifique en axe I bébé, par contre, les particularités de lenvironnement peuvent être codées en se servant de laxe II de la classification générale dans la mesure où, par exemple, les notions de stress traumatique, de carence, de maltraitance et de parents en grande souffrance sy trouvent déjà prises en compte.

Certains chapitres de la psychopathologie du bébé ne font pas encore lobjet dun consensus absolu entre les différents cliniciens ; les propositions énoncées ci-dessous ne constituent donc quun matériel initial qui demandera à être progressivement affiné, voire remanié, en fonction des avancées qui ne pourront manquer davoir lieu dans ce domaine au cours des années à venir.


Deux remarques à propos de laxe I bébé

1) Les troubles de lattachement nont pas été retenus comme rubrique classificatoire.
On sait en effet quen dépit du profond renouveau théorique qua apporté la théorie de J. BOWLBY, les différents types de schémas dattachement qui ont été décrits (attachement sécure, attachement insécure, attachement évitant, attachement désorganisé) apparaissent davantage comme des catégories expérimentales que comme des catégories étroitement corrélées avec tel ou tel profil psychopathologique.
Autrement dit, certains enfants à lattachement sécure peuvent fort bien présenter des troubles du développement psychique alors que certains enfants, insécures ou évitants en situation dévaluation, peuvent fort bien fonctionner de manière cliniquement satisfaisante.
Seul le schéma de type désorganisé semble actuellement témoigner dun risque potentiel de dysfonctionnement clinique.

2) Les troubles de lidentité de genre nont pas non plus été retenus, étant donnée la difficulté quil y a à les repérer avant lâge de trois ans.
En dépit des résultats énoncés par certaines études, la majorité des cliniciens actuels met en effet en doute la possibilité même de parler de troubles de lidentité de genre chez lenfant pré-oedipien.
A cette époque de la vie, seuls seraient déjà repérables déventuels facteurs de risque dont la description et la valeur prédictive sont, à lheure actuelle encore, fortement sujet à caution.



Axe I bébé



B1 Bébés à risque de troubles sévères du développement

A côté des très jeunes enfants chez qui le diagnostic d'autisme ou de psychose peut être fait d'après les critères de l'axe I général, il existe des bébés dont le repérage précoce est essentiel pour les activités de prévention. Ce sont des enfants dont le développement semble présenter des zones de vulnérabilité ou de fragilité susceptibles de les faire sengager dans un fonctionnement ou une organisation de type autistique ou psychotique.
De nombreuses recherches sont actuellement en cours pour préciser ou affiner les limites de ce groupe denfants dont le devenir ne peut bien sûr être prédit ou figé dans une annonce qui ne viendrait que cristalliser le risque évoqué.
Un certain nombre de symptômes dont les regroupements peuvent être variables dun enfant à un autre doivent ici avoir valeur dappel.

On citera :

- Lévitement ou la perte du regard
Les conduites de détournement du regard peuvent avoir la même valeur en privilégiant lutilisation du regard périphérique au détriment du regard central

- Le maintien au-delà de plusieurs semaines dun regard adhésif sans acquisition stable dun regard pénétrant.

- Une insomnie précoce, calme (sans appel vis-à-vis de la présence de ladulte) et pouvant durer plusieurs heures.

- Une anorexie primaire grave ou d'autres troubles sévères de l'oralité.

- Des phénomènes cliniques de pseudo-surdité.

- Des cris monotones, monocordes et sans valeur relationnelle ou significative repérable.

- Labsence dinstauration de langoisse de létranger autour du huitième mois de la vie.

- Des phobies multiples, variables, insolites et parfois intenses.

- Un évitement ou un retrait relationnel (en excluant les évitements ou les retraits observés en cas de dépression, dasthénie ou de douleur physique).

- Des troubles du tonus (en hyper ou en hypo) sans cause neuropédiatrique reconnue.

- Parfois présence de stéréotypies

Cest le regroupement et le maintien conjoint dans le temps dun certain nombre de ces symptômes qui doit attirer lattention du clinicien

Inclure : le syndrome d'évitement relationnel précoce



B2 Les dépressions du bébé

Les dépressions du bébé peuvent être liées à des situations de carence relationnelle quantitative ou qualitative.

Parmi les symptômes devant faire évoquer une organisation dépressive chez le bébé, on peut citer :

- Latonie psychique
Manque du tonus vital qui imprègne normalement le fonctionnement psychique du bébé avec absence de curiosité et douverture envers le monde des objets et envers le corps propre (absence dinstauration ou extinction progressive des auto-érotismes).

- Le retrait interactif qui correspond à une absence dengagement dans léchange relationnel.

- Le ralentissement psychomoteur
Mouvements répétitifs et partiels, sinterrompant avant davoir atteint leur but et avec une lenteur prédominant sur les racines tandis que les extrémités conservent une motilité déliée.

- Labsence de structuration de langoisse de létranger.

- Des troubles psychosomatiques dappel ou dépuisement
Au début de lépisode dépressif, on a le sentiment que les divers troubles fonctionnels de lenfant visent à réanimer lenvironnement et à solliciter son attention tandis quà lissue dune certaine période dévolution, les défenses recrutées sont débordées et les troubles fonctionnels de lenfant traduisent alors un débordement et un effondrement de léquilibre psychosomatique d lenfant.


Inclure : les situations de syndrome du comportement vide et celles de dépressions blanches en fonction de la date de survenue et de la durée de la situation carentielle.



B3 Bébés à risque dévolution dysharmonique

Certains éléments du tableau décrit au chapitre 3.00 de l'axe I général peuvent être déjà repérables avant trois ans et seront classés dans cette rubrique.

A lheure actuelle, il sagit ici dun cadre dattente dont la pertinence est encore sujette à caution puisquil paraît difficile daffirmer la filiation nosologique entre ces tableaux cliniques et le groupe des pathologies limites ultérieures.

Ces enfants présentent des atteintes sévères, mais non totales, de la capacité à engager une relation émotionnelle ou sociale, des atteintes marquées de la faculté détablir, de maintenir ou de développer certaines formes de communication (gestuelle, symbolique et verbale), des dysfonctionnements significatif dans le traitement des diverses informations sensorielles (auditives, visuo-spatiales, tactiles, proprioceptives ou vestibulaires par exemple).

Inclure : Multi-System Developmental Disorders (MSDD) (classification Zero to three )



B4 Les états de stress

Entrent dans ce cadre les états où le stress constitue le facteur étiologique principal.

Ces états sont suspectés devant des remémorations plus ou moins angoissées, des cauchemars répétitifs, un comportement de détresse à loccasion dun rappel du traumatisme ou des reviviscences imprévisibles, on prendra en compte comme critère dinclusion une baisse de réactivité ou une entrave au rythme du développement sur lun au moins des critères suivants : accentuation du retrait social, restriction du champ des affects, régressions temporaires diverses, diminution ou réduction des activités ludiques habituelles.

On peut retenir également comme critères dinclusion, différents symptômes daugmentation de la vigilance (terreurs nocturnes, difficultés dendormissement, réveils nocturnes, troubles de lattention et de la concentration, hypervigilance et réaction de sursaut), ainsi que lapparition soudaine ou progressive de symptômes qui nexistaient pas avant lévénement traumatique (agressivité, peurs, angoisses…)



B5 Hypermaturité et hyperprécocité pathologiques

Celles-ci concernent tout ou partie des registres cognitif, émotionnel ou social du développement de lenfant.
Elles peuvent se développer en secteurs (problèmes des surdons) ou au contraire de manière globale.
Elles peuvent être ou non une réponse à une psychopathologie parentale.



B6 Distorsions du lien

On ne peut pas décrire, dans labsolu, une qualité du lien qui serait dite normale .
Seuls comptent en fait les aspects dynamique, ouvert et créatif du lien parent-enfant et notamment du lien mère-enfant dont il importe ainsi de prendre en compte de nombreuses possibilités de variations de la normale.
Les distorsions du lien implique lidée quune modalité particulière du lien devient prévalente, répétitive et monotone, imprégnant la relation adulte-enfant de telle sorte que celle-ci se fige en perdant alors tout degré de souplesse et de liberté.
On inclura pour linstant les rubriques suivantes :
- contrôle intrusif
- relation adhésive
- troubles de la régulation (hypersensible, sous-réactive, impulsive, autre)
- relation chaotique (désorganisée, inclassable)



Retards dacquisition divers
(dans le champ du développement psychomoteur, langagier, cognitif,…)
Se reporter à la catégorie 6 de laxe I général.



Troubles des grandes fonctions psychosomatiques
(sommeil, alimentation,…)
Rubrique à prendre en compte quand les troubles fonctionnels considérés ne sintègrent pas dans un tableau dépressif caractérisé.
Se reporter aux catégories 7 ou 8 de laxe I général.


Dernière mise à jour : jeudi 8 mars 2001 16:44:08
Dr Jean-Michel Thurin