ÉPIDÉMIOLOGIE EN PSYCHIATRIE : répertoire des travaux francophones de 1989 à 1994



Milieu carcéral



La mortalité par suicide en prison

1992 N. BOURGOIN Institut National d'Etudes Démographiques, 27 r du Commandeur, 75675 PARIS CEDEX 14

Objectifs

L'étude des facteurs de risque du suicide carcéral se heurte à la présence de facteurs de confusion résultant des associations multiples entre les variables indépendantes prises en compte. Cet article propose une application des méthodes statistiques de régression à l'étude des déterminants du suicide en prison, afin d'isoler l'effet propre de chaque variable.

Méthodologie

La méthode choisie est une étude cas-témoin. Les cas étaient la totalité des détenus suicidés entre le 1er janvier 1990 et le 31 juillet 1992, soit 179 cas. Le groupe témoin, comprenant 360 détenus, a été tiré au sort à partir du Fichier National des Détenus qui couvre l'ensemble de la population incarcérée. Les variables indépendantes choisies ont été saisies sur la fiche pénale du détenu : ce sont des variables relatives à sa situation pénale, sa situation socio-familiale et professionnelle au moment de l'écrou et son signalement démographique. L'analyse est faite en deux étapes : après avoir comparé les cas et les témoins pour chacune des variables, on utilise un modèle de régression logistique ("logistic" de SAS) selon une procédure pas à pas ascendante.

Résultats

L'analyse a permis de confirmer certaines observations tirées d'études antérieures, comme l'accroissement du risque de suicide avec la durée de la peine, une propension au suicide plus forte en Maison d'Arrêt. En revanche, l'analyse a permis d'écarter le rôle de certains facteurs suspectés, comme le sexe, l'âge et la nature de l'infraction, dont l'effet sur le suicide se révèle nul après ajustement. Plus généralement, les facteurs de risque mis en évidence montrent que, toutes choses égales par ailleurs, la propension au suicide augmente significativement avec le statut et l'intégration socio-familiale du détenu. Ce résultat est à l'opposé de ce qui a été observé sur le suicide en liberté oó les catégories sociales les plus défavorisées sont les plus exposées.

Mots-clefs

Modèle de Régression statistique - Statut social - Suicide - Prison

Publications

BOURGOIN N. La mortalité par suicide en prison. Revue d'Epidémiologie et de Santé Publique, 1993, 41, 146-154.

Le suicide en prison

1991-1992 N. BOURGOIN Institut National d'Etudes Démographiques, 27 r du Commandeur, 75675 PARIS CEDEX 14

Objectifs

L'objectif général de l'étude était de reconstituer la logique du suicide en détention à partir du propre point de vue de l'acteur sur les faits ayant pesé dans sa décision. A partir de ce point de vue, on essaie de mettre en évidence la dimension stratégique du suicide : il constitue un moyen de lutter contre l'institution pénitentiaire. L'ambition est donc essentiellement préventive et consiste à comprendre un aspect de la dynamique du suicide carcéral.

Méthodologie

L'étude porte sur la totalité des suicides en prison ayant eu lieu sur le territoire français entre le 1er janvier 1982 et le 31 décembre 1991. Chaque cas est décrit dans un dossier individuel contenant des informations sur la situation socio-démographique et pénale du détenu et, le cas échéant, une ou plusieurs lettres de suicide. Le point de vue du détenu est étudié par une analyse thématique des lettres de suicide. Les informations tirées des lettres sont ensuite validées au moyen d'une étude épidémiologique du suicide en prison faisant intervenir différents outils (régression logistique, mortalité différentielle, analyse du calendrier du suicide, ...). Enfin, un traitement similaire est réalisé sur un corpus de 90 procès-verbaux d'enquête de police en liberté.

Résultats

Le suicide en prison semble obéir à une logique qu'on peut qualifier de "stratégique" : il est perçu par le détenu comme un moyen d'accroître sa marge d'autonomie, de déjouer le contrôle de l'institution, de renverser les rapports de force qui l'opposent à son entourage familial ou pénal à son avantage, notamment par l'effet de culpabilisation produit. L'analyse épidémiologique nuance cette proposition : la logique du suicide peut être purement déprivative et celui-ci peut se produire en l'absence de tout "adversaire" réel ou supposé ; le risque de suicide augmente avec la perte sociale ou familiale que le détenu subit lors de son incarcération. Enfin, l'analyse en liberté permet d'identifier les mêmes logiques qu'en prison et d'expliquer la sursuicidité carcérale : les caractéristiques du milieu libre ont pour effet d'élargir la gamme des réponses à une situation de conflit et diminuent ainsi le risque de suicide.

Mots-clefs

Lettre de Suicide - Suicide - Prison - Stratégie

Publications

BOURGOIN N. Le suicide en prison. L'exemple du criminel contre un proche. Revue de Science Criminelle et de Droit Pénal comparé, 1993, 3, 575-580. BOURGOIN N. Le suicide en prison. Collection Logiques Sociales, L'Harmattan, à paraître en novembre 1994.

Le suicide en milieu carcéral

1992 N. BOURGOIN Institut National d'Etudes Démographiques, 27 r du Commandeur, 75675 PARIS CEDEX 14

Objectifs

Les études publiées sur le suicide en prison ont été réalisées à partir de données déjà agrégées. L'accès à des dossiers individuels qui nous a été offert permet de reconstituer de manière plus complète la dynamique du suicide carcéral et ainsi de cerner les détenus et les moments de la détention "à risque". L'objectif de l'étude est donc essentiellement préventif.

Méthodologie

L'étude porte sur la totalité des suicides en prison ayant eu lieu sur le territoire français entre le 1er janvier 1982 et le 31 décembre 1991. Dans un premier temps, on compare la propension au suicide en prison et en liberté en annulant les effets de structure par l'usage de taux comparatifs, dans différentes sous-populations. Dans un second temps, par la méthode des détenus-années, on mesure le lien statistique entre le risque de suicide et le fait d'avoir commis un incident en détention. Enfin, on met en évidence le lien chronologique entre le suicide et certains événements de la détention.

Résultats

Le milieu carcéral se distingue du milieu libre par une radicalité dans le mode employé et la vulnérabilité particulière des jeunes. Le rapport entre suicide en prison et en milieu libre est très fort pour les femmes et les étrangers. Le fait d'avoir commis un incident en détention est statistiquement lié au risque de suicide et peut donc constituer un premier critère pour délimiter une population à risque. Les événements touchant la situation pénale du détenu, sa situation physique à l'intérieur de la détention et ses rapports affectifs avec ses proches paraissent augmenter le risque de suicide.

Mots-clefs

Incident - Suicide - Prison - Evénement concomitant

Publications

BOURGOIN N. Le suicide en milieu carcéral et en milieu libre : situations comparées. Revue Française des Affaires Sociales, 1992, 4, 161-173. BOURGOIN N. Le suicide en milieu carcéral. Population, 1993, 3, 609-626.

Toxicomanes incarcérés : approche psychométrique

O. DORMOY SMPR Prison de la Santé F. FACY INSERM U.302, 44 ch de Ronde, 77110 LE VESINET B. VILAMOT INSERM U.302, UOAC, CHS Pierre Jamet, 1 r de Lavazière, BP 94, 81003 ALBI CEDEX, Tél 63.38.01.38

Objectifs

Rechercher un profil particulier par l'intermédiaire du Test Mini-Mult. Rechercher l'existence d'un syndrome dépressif. Comparer à d'autres groupes de toxicomanes traités.

Méthodologie

Echantillon de détenus incarcérés à Fleury Mérogis depuis 4 semaines au minimum, 18 mois au maximum, âgés de 18-25 ans - N=164. Définition DSM III de la toxicomanie, groupe contrôle constitué secondairement apparié sur la nationalité, le délai entre le 1er jour de l'incarcération et l'entretien, la durée et le motif de la condamnation. Outils : test Mini-Mult - échelle de ralentissement psychomoteur de Widlocher.

Résultats

Nous n'avons pas mis en évidence un profil moyen Mini-Mult caractéristique des délinquants toxicomanes. Plus le groupe testé présente de troubles des conduites, plus le profil moyen présente une allure pathologique. L'échelle n 8 pourrait avoir une valeur prédictive d'un risque de comportement toxicomaniaque chez un déliquant encore exempt de telles conduites. L'élévation de l'échelle n 2 ne renvoie pas à une fréquence particulière d'un syndrome dépressif. La différence observée au niveau quantitatif entre toxicomanes délinquants incarcérés et toxicomanes demandeurs de soins (attitude plus haute des profils) ne pourrait être liée qu'à une rétrocession rapide et spontanée de la symptomatologie initiale.

Mots-clefs

Psychométrie - Test Mini-Mult - Délinquants - Toxicomanes

Publications

DORMOY O, FACY F, VILAMOT B. Toxicomanes incarcérés : approche psychométrique. Revue européenne de psychologie appliquée, 1991, 41, 2, 85-91.

Toxicomanes et délinquants incarcérés. Approche épidémiologique et psychopathologique

1988-1989 F. FACY INSERM U.302, 44 ch de Ronde, 77110 LE VESINET B. VILAMOT INSERM U.302, UOAC, CHS Pierre Jamet, 1 r de Lavazière, BP 94, 81003 ALBI CEDEX, Tél 63.38.01.38

Objectifs

Comparer les groupes délinquants toxicomanes et non toxicomanes (questionnaire). Mettre en évidence une symptomatologie spécifique aux toxicomanes incarcérés. Confirmer l'absence de syndrome dépressif. Préciser la notion de désinhibition sous benzodiazépines.

Méthodologie

Enquête transversale exhaustive des détenus répondant aux critères d'inclusion. Echantillon : N=249 âgés de 18 à 25 ans, de nationalité française, incarcérés depuis 4 semaines au minimum, 18 mois au maximum. Un sous-groupe sera revu 8 semaines après le 1er entretien avec appariement entre le groupe toxicomane et non toxicomane. Outils : questionnaire - test Mini-Mult - échelle CPRS - échelle de ralentissement psychomoteur de Widlocher.

Résultats

La délinquance précède la toxicomanie. Cette délinquance fait suite à de multiples difficultés qui ont débuté dès l'école primaire. La désinhibition par les benzodiazépines sous-tend l'utilisation toxicomaniaque de ces produits. Une grande prudence s'impose quant aux tentatives de théorisation sur la toxicomanie fondée sur les symptômes présents. On risque de "théoriser" uniquement sur des "effets iatrogènes". Nous n'avons pas mis en évidence de différence entre les toxicomanes délinquants et délinquants non toxicomanes au niveau des outils psychopathologiques utilisés. Les résultats négatifs n'ont pas à voir avec un manque de sensibilité des outils utilisés mais avec une réalité de la population testée.

Mots-clefs

Toxicomanes incarcérés - Délinquants incarcérés - Syndrome dépressif - Désinhibition

Publications

Publication en cours.

Gestes auto-agressifs en prison

1993 G. SCHALLER Institut Universitaire de Médecine Légale, Centre Médical Universitaire, 9 av de Champel, 1211 GENEVE 4 (Suisse), Tél (022) 702.56.04 Ch. ZIMMERMANN Institut de Médecine Sociale et Préventive, Centre Médical Universitaire, 9 av de Champel, 1211 GENEVE 4 (Suisse), Tél (022) 702.59.10 L. RAYMOND même adresse

Objectifs

Le but de notre recherche était d'identifier les facteurs de risque des gestes auto-agressifs à la prison préventive de Genève, et d'estimer leur effet, en vue de proposer des mesures préventives. Comme l'intention suicidaire n'est pas toujours établie, nous parlons de gestes auto-agressifs plutôt que de tentatives de suicide (le suicide est une des premières causes de décès en milieu carcéral -25 à 45% des décès- et les tentatives de suicide y sont plus fréquentes qu'en milieu libre).

Méthodologie

L'étude a été conduite rétrospectivement selon un plan cas-témoin à partir des dossiers médicaux, de 1989 à 1992. Un cas est un détenu qui a commis un geste auto-agressif durant son séjour (veino-section, absorption de produit toxique ou de corps étranger, pendaison, ou autre). Un témoin par cas a été tiré au sort avec la condition de ne pas avoir commis de geste auto-agressif durant son séjour. Les facteurs de risque étudiés étaient : l'âge, le sexe, les conditions d'habitation avant l'incarcération, le statut socio-professionnel, l'état civil, la nationalité, l'alcoolisme, les antécédents psychiatriques, les gestes auto-agressifs antérieurs, la récidive d'emprisonnement, la toxicomanie aux opiacés, un test VIH positif. L'analyse des 172 cas et 169 témoins a été menée par régression logistique multivariée non conditionnelle au moyen du logiciel EGRET.

Résultats

Les facteurs de risque identifiés sont les suivants : être âgé de moins de 25 ans (RR=4,4), avoir déjà effectué un geste auto-agressif antérieurement (RR=4,7), avoir des antécédents psychiatriques (RR=2,5) et être toxicomane aux opiacés (RR=2,8).

Mots-clefs

Prison - Gestes auto-agressifs - Comportement suicidaire - Suicide - Facteurs de Risque


Dernière mise à jour : lundi 16 août 1999 14:12:25

Dr Jean-Michel Thurin